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toute beauté. Au bord du magnifique Saint-Laurent, s’étend, blanche dans des massifs de verdure, la ville. Elle compte 900 000 habitants, dont les trois quarts sont Français ; elle a doublé en dix ans. Son commerce est mondial et sa prétention de devenir la rivale de New-York ne parait pas déplacée. Les steamers remontent jusqu’à elle et le fleuve est sillonné de bateaux. Les quais s’étendent sur 30 kilomètres de longueur.

Qu’est-ce au loin que ces gigantesques constructions qui s’élèvent au bord des eaux ? Ce sont des « elevators » où viennent s’entasser les grains de ce qui fut autrefois « la grande prairie » des Indiens, devenue aujourd’hui la plaine indéfinie, couverte de moissons, la terre à blé des États du Centre. On y décharge des wagons en quelques minutes ; on y charge des bateaux en quelques heures. « Dès maintenant, nous dit-on, le Canada peut suffire à fournir à l’Europe entière son pain quotidien. »

Notre interlocuteur ajoute : « Quel malheur qu’en hiver notre fleuve s’endorme ! » Il se recouvre en effet de glaces à partir de novembre et la navigation est suspendue pendant cinq à six mois. L’hiver est loin de notre pensée ; il fait en effet une chaleur extrême et tout autour de nous brillent des massifs de roses. Cependant, voilà bien le Canada, couvert de verdure et de fleurs en été, riche de toutes les cultures, revêtu d’un manteau de neige de novembre à avril !

Sur la terrasse, nous avons rencontré M. Taft, l’ancien président des États-Unis, venu comme nous pour admirer la vue. Il est seul et cause familièrement avec le maréchal.

Le soir, la mission se disloque et nous dînons dans les familles. Quelle délicieuse trouvaille ! plus de discours, mais des entretiens pleins d’abandon et de cordialité, comme dans les meilleures familles françaises.

La journée n’est pas finie, car c’est aujourd’hui la Saint-Jean, fête nationale des Canadiens français, et on la célèbre ici comme chez nous en allumant, à la nuit tombante, de grands feux clairs et joyeux.

Bien entendu, on nous attend et nous nous retrouvons, vers neuf heures, au milieu d’une foule qu’on évalue à plus de 20 000 personnes ; elle entoure un kiosque à musique, transformé en tribune, sur lequel on nous fait monter, et une fois de plus nous reparlons de la France, de la guerre, du passé et de l’avenir.

Après ces discours, un courant se forme qui nous emporte