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ses différences, voudrait de temps en temps sortir de chez elle et se communiquer aux alentours. Elle n’y parvient pas ou du moins, elle y a grand’peine. Elle est un monde séparé. L’on ne comprend qu’à demi ses élans de passion furtive et ses amours. Et Jaboune est épris d’une dame, qui ne sait pas qu’elle refuse d’être aimée. Jaboune est charmant, qui endure le vrai tourment d’une âme vraie.

… « Tu m’amuses autant que Tiberge m’ennuie… » Chacun de nous a, je crois, son Tiberge et, sous l’étiquette de ce nom, rangerait de nombreux déplaisirs. La sensibilité de M. Franc-Nohain se trahit, comme j’ai tâché de le dire, en vive tendresse jalouse de soi et très pudique. Elle se trahit aussi, tout au rebours de la tendresse, en vive colère, également déguisée d’ironie.

Voulez-vous voir les déplaisirs de M. Franc-Nohain ? Lisez les Fiches : ce sont des notes de politique au jour le jour, écrites court et sec et bien. Les déplaisirs de M. Franc-Nohain, vous les avez entrevus lorsqu’il se gaussait, — en riant, mais de quel rire ! — des gens du pays de l’Instar. Il a maintenant affaire aux politiciens de sac et de loge… Au fait, il apprend qu’il y a une « Loge Jean de La Fontaine » qui s’est promis de « réprimer les empiétements du clergé séculier et régulier, » de supprimer les costumes sacerdotaux, cérémonies, sonneries de cloches, insignes et emblèmes religieux : pauvre Jean de La Fontaine !… M. Franc-Nohain, quand il se fâche, dédaigne l’éloquence, de même qu’il a refusé de s’attendrir avec une exubérance dénuée d’ironie. Mais, après avoir conté les tracasseries auxquelles une petite institutrice est en butte, dans le département de Loir-et-Cher, pour n’afficher nul athéisme, il ajoute : « Voilà l’existence faite à une petite fonctionnaire, dans un village situé pourtant en plein jardin de la France, de la douce France !… » Il n’est pas content ; il est furieux : il le dit moins qu’il ne le sent. Les politiciens de Loir-et-Cher, d’où vient leur manie ? Eh ! ce sont des gens de l’Instar : l’anticléricalisme n’est pas de Touraine ou de France, mais du pays de l’Instar. M. Franc-Nohain retrouve son idée ; il la contrôle et la constate : et il note l’antinomie, la remarquable contrariété de la France et de l’Instar.

Les Avis de l’oncle Bertrand continuent les Fiches, après l’interruption de la guerre, durant laquelle l’auteur accomplissait une autre besogne… Un jour, il se plaint de la désuétude où paraît tomber une jolie façon d’être : l’affabilité. Ce n’est pas familiarité, bonne humeur et l’usage de taper aux gens sur l’épaule en voulant bien leur adresser quelques mots en bras de chemise. Qu’est-ce que c’est ? Ma