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ment un exemple. Ces chapeaux sont confectionnés dans l’Amérique du Sud, avec les feuilles d’un palmier, le Carludovica Palmata, tressé sous l’eau, très voisin du Ippi Appi, servant également, à la Jamaïque, à fabriquer des coiffures.

Pour se retremper dans le monde des souvenirs, il faut aller à une heure environ à l’Est. Là, sur le bord de la mer infiniment bleue, que rendent encore plus étincelante de larges taches errantes d’une couleur indigo profond, une de ces mers féeriques des pays tropicaux dépassant tous les rêves, se trouvent les ruines de la vieille cité de Panama des Conquistadores fondée au début du XVIe siècle par Pedro Arias de Avila, de sinistre mémoire, bourreau des Indiens et de ceux de ses compatriotes qui n’avaient pas le don de lui plaire. Chaque ruine a une mélancolique poésie qui lui est propre ; en Orient, sur les berges des fleuves, le limon gris apporté par les eaux s’est déposé recouvrant petit à petit, comme d’un linceul compact, les palais et les temples. Sur le bord des déserts, c’est le sable jaune, ténu, envahissant, chassé par le vent qui, lentement, s’est accumulé par longues vagues, laissant seulement à découvert des pans de murailles et des sommets de colonnes. À Panama, où il n’y a ni fleuves, ni déserts, c’est la prodigieuse puissance de la végétation qui s’est chargée d’apporter son action d’enveloppement mystérieux. La forêt, toujours prête à renaître partout où l’homme cesse de lutter, a envahi depuis des siècles le sol sur lequel s’élevait la ville prodigieusement prospère. Quand on arrive près des premières ruines, sur le bord de la route, c’est le pont que franchissaient jadis les convois de mules chargées des trésors du Pérou. — Ces trésors gagnaient, à travers l’isthme, Nombre de Dios, puis, vers la fin du XVIe siècle, Porto Bello, moins malsain, où ils étaient embarqués pour l’Espagne. — Son arche passe au-dessus d’un ruisseau coulant lentement sous une voûte de palétuviers dont les feuilles sont luisantes.

Plus loin, voici peut-être des couvents, peut-être le palais du gouverneur entouré d’arbres d’acajous et de campêches. Enfin, près de la grève se dresse la cathédrale dont le clocher domine l’ensemble des ruines. Sans doute Pizarre et d’autres grands aventuriers y vinrent-ils prier avant de s’embarquer !

Toutes ces constructions disséminées dans la forêt, sont en pierres brunies par le vent et le soleil. Des briques rosées bordent les baies, et des plantes grasses, quelques orchidées,