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Le résultat des jardins fut, pour l’Empereur, d’avoir occupé son monde, de s’être distrait, d’avoir autour et près de sa maison des promenades où il se trouvait chez lui, et d’avoir éloigné les gardes, qui, avant, étaient sous ses fenêtres. Quant au produit, il fut nul, si ce n’est parfois que sur sa table il eut une petite salade, un petit plat de haricots ou de pois et un bateau de petits radis. Pour tout fruit, il n’y avait que des pêches, et ce n’était pas l’Empereur qui les mangeait. Quand l’Empereur voyait sur sa table quelque chose qui venait du jardin, il disait : « Enfin toutes nos peines ne sont pas perdues ; nos jardins nous nourrissent. » Nous ne pouvions nous empêcher de sourire. « Comment, coquin, tu ris ! » disait l’Empereur en regardant un de ceux qui le servaient, et lui-même il riait.


XIII. — CINQ NOUVEAUX ARRIVANTS

Un certain nombre de mois après le départ de Mme de Montholon (cette dame était partie de l’ile au mois de juillet 1819), on avait appris à Longwood que plusieurs personnes étaient parties de Rome pour se rendre en Angleterre, où elles devaient s’embarquer pour venir à Sainte-Hélène. L’avis en avait été reçu et, chaque jour, depuis un mois ou deux, on s’attendait à les voir arriver. Enfin, le 18 ou 19 septembre 1819, elles débarquèrent à Jamestown dans la matinée, et furent dirigées sur Longwood vers les six heures du soir. Ces personnes étaient envoyées par la famille impériale sur la demande qui en avait été faite il y avait environ un an. Elles étaient cinq, deux prêtres, un médecin, un cuisinier, et une personne de service. Les trois premiers étaient Corses et les deux autres Français.

L’Empereur reçut l’un après l’autre les deux prêtres et le médecin. Il leur témoigna toute sa surprise qu’on ne leur eût pas donné quelques lignes d’introduction. Il attribua cette faute à la négligence du cardinal, et ne put concevoir que, dans la position où lui, Napoléon, se trouvait, on eût omis une chose qui était à ses yeux d’une très grande importance, et sur quoi les membres de sa famille avaient glissé bien facilement et bien légèrement. Malgré une irrégularité aussi inconcevable, il accepta les nouveaux venus. Il causa très longuement avec eux et entra dans les plus grands détails.

Ce fut un grand plaisir pour l’Empereur d’apprendre par la