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ainsi. Au moment qu’on s’y attendait le moins, il fit reprendre les travaux. Pour commencer, il se plaignit que le vent Sud-Est l’incommodait, quand il était dans son bosquet. Le gouverneur, d’après le désir que lui avait témoigné M. de Montholon, fit construire un mur de gazon en demi-cercle de huit à neuf pieds de haut. A l’extrémité, six mois avant sa mort, l’Empereur a fait faire un massif de gazon de cinq à six pieds de haut et une plate-forme de six pieds de côté, et fait construire en charpente légère sur ce cube un pavillon carré. La muraille et le couvert étaient en toile à voiles. Il était éclairé par des châssis vitrés en losanges. Ce pavillon était destiné à servir d’observatoire à l’Empereur, pour qu’il put voir à son aise l’arrivée des bâtiments. Quand il fut terminé et les soldats retirés, l’Empereur ordonna à M. de Montholon de lui faire un plan de jardin qui occupât tout le terrain qui était entre le mur qu’on venait de construire et la cabane du jardinier.

Une fois que le terrain fut clos, on le nivela dans plusieurs de ses parties et on traça tout ce qui avait été arrêté sur le plan. L’Empereur fit creuser un bassin près du mur de gazon, en ménageant une allée entre l’un et l’autre. Des maçons du génie furent appelés et le bassin fut revêtu d’une construction en pierre que l’on couvrit de ciment à l’intérieur, et ce ciment fut recouvert de plusieurs couches de peinture à l’huile. On crut qu’arrangé ainsi il pourrait garder l’eau. On plaça un petit tuyau qui, du réservoir de la maison, amena l’eau jusqu’au bassin. Le travail terminé et les ouvriers partis, l’Empereur impatient de jouir fit mettre l’eau dans le bassin et, quand celui-ci fut plein ou à peu près, il y fit jeter une centaine de petits poissons rouges qu’il avait fait acheter à la ville. Le lendemain, le bassin était à moitié vide et les cadavres de quelques poissons étaient à la surface de l’eau et couchés sur le côté. Probablement, ces poissons avaient été empoisonnés par la peinture qui n’était pas encore entièrement sèche. On remplit de nouveau le bassin ; le jour suivant, il en fut comme il en avait été le jour précédent, et il en fut ainsi pendant plusieurs jours ; chaque matin, des poissons avaient perdu la vie. L’Empereur, voyant enfin que son bassin ne pouvait tenir l’eau, se décida de le faire doubler en plomb. On ôta les poissons qui avaient survécu et on les mit dans un tonneau, en attendant que les nouveaux travaux fussent faits. Le plombier fut demandé