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auteur. Aussi, dans ses bibliothèques de campagne, les Vies des hommes illustres figuraient-elles toujours dans les rayons de ses caisses. — Il parcourait souvent Rollin. — L’histoire du moyen âge, la moderne et les histoires particulières ne l’occupaient que passagèrement. De livres saints, il n’avait que la Bible. Il aimait à en relire les chapitres dont il avait entendu la lecture sur les ruines des villes anciennes de la Syrie ; ils lui retraçaient les mœurs des habitants de ces contrées et la vie patriarcale du désert : c’était, disait-il, une peinture fidèle de ce qu’il avait vu de ses yeux. — Toutes les fois qu’il lisait Homère, c’était toujours avec une nouvelle admiration. Personne, à ses yeux, mieux que cet auteur, n’avait connu le vrai beau, le vrai grand ; aussi le reprenait-il souvent et le relisait-il depuis la première page jusqu’à la dernière. — Le théâtre avait beaucoup de charme pour l’Empereur. Les Corneille, les Racine, les Voltaire avaient souvent un ou deux actes de leurs pièces lus à haute voix. Corneille, malgré ses imperfections, était préféré aux autres : il choisissait toujours ce qui était à la hauteur de lui, Napoléon. Parfois il demandait une comédie de celles qu’il avait vu jouer, et, de temps en temps, quelque pièce de poésie, par exemple Vert-Vert. Il prenait aussi plaisir à lire quelques morceaux de l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations de Voltaire, ainsi que quelques articles du Dictionnaire philosophique du même auteur. — Les romans servaient à le délasser et à rompre le sérieux de ses occupations habituelles ; Gil Blas, Don Quichotte et un petit nombre d’autres lui revenaient dans les mains. Ceux de Mesdames de Staël, Genlis, Cottin, Souza, etc. il les revoyait quelquefois ; mais les romans qu’il ne pouvait souffrir, c’étaient ceux de Pigault-Lebrun. Il ne pouvait sentir cet auteur, dont il avait cependant presque tous les ouvrages ; jamais il ne s’est avisé d’en demander un volume et aurait refusé celui qu’on lui eût présenté. — Presque constamment, il avait sous les yeux tous les ouvrages relatifs à l’art militaire et aux campagnes des grands capitaines. Un auteur, Polybe, qu’il avait désiré longtemps, il ne le reçut que dans les derniers temps, et alors il avait presque abandonné le travail. — C’était par hasard s’il prenait un livre de sciences. Ce genre d’ouvrages n’était que de circonstance.

L’Empereur avait-il dans les mains un livre qui l’intéressât, il ne le quittait pas qu’il n’en eût une connaissance