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contre celle du Grand-Maréchal ; il dit en la lui mettant dans les mains : « Celle-ci a marqué l’heure de mes batailles. »

L’Empereur avait plusieurs tabatières dont il se servait habituellement ; elles étaient en écaille doublée d’or, et, sur le couvercle de chacune, des médailles antiques, grecques ou romaines, en argent, enchâssées dans un cercle d’or. Une de ces tabatières avait à la partie inférieure de l’ouverture une petite médaille en or de Timoléon. La forme de ces tabatières était : les unes ovales, les autres carrées, celles-ci plus longues que larges, les angles coupés. Il y en avait deux autres également en écaille doublée d’or ; sur l’une était le portrait de l’Impératrice, et sur l’autre un enfant nu, qui était le Roi de Rome. D’abord il s’était servi de ces deux tabatières comme des autres, mais ensuite il les fît mettre de côté.

Dans une boite, que l’on nommait la boîte aux tabatières, l’Empereur avait encore d’autres tabatières ou boites avec médaillons, peintures et camées. La plus belle était carrée et ornée d’un camée antique d’Alexandre le Grand. Il y en avait une autre ronde et d’un assez grand modèle, mais d’un travail ordinaire, ornée de deux grandes médailles en or ; dessus était François Ier et dessous Charles-Quint, etc.

L’Empereur était d’une sobriété exemplaire. Élevé dans la classe ordinaire de la société, il avait conservé dans les grandeurs les habitudes de son jeune âge. Les mets les plus simples étaient ceux qui lui convenaient le mieux. Par exemple, il était délicat à l’extrême ; la moindre chose contre la propreté, ou le mauvais accommodement lui donnait de la répugnance. Il préférait un bon potage, et un bon morceau de bouilli à tous les mets composés et succulents que ses cuisiniers pouvaient lui faire. Des œufs à la coque ou sur le plat, une omelette, un petit gigot, une côtelette, un filet de bœuf, de la poitrine de veau sur le gril, ou une aile de poulet, des lentilles, des haricots en salade étaient les mets qu’on lui servait habituellement à ses déjeuners. Sur sa table, pour ce repas, il n’y avait jamais que deux plats, dont un de légumes, précédés d’un potage.

Le dîner était plus composé, la table plus abondamment servie ; mais toujours il ne mangeait que les choses les plus simplement arrangées, soit viandes, soit légumes. Un morceau de fromage de parmesan ou de roquefort était la clôture de ses repas. S’il arrivait qu’on eût quelques fruits, on les lui servait,