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étonnement). Il prétend que Musset n’eut pour Arvers que méfiance, et qu’il composa, en raillant son rival, ce petit quatrain :

C’est moi l’étoffe,
O philosophe !
Et ton Arvers
N’est que l’envers.

Suivant Blaze de Bury, l’auteur des Heures perdues fut le sosie de Musset, le talent des deux poètes se ressemblait ; c’est pourquoi Musset ombrageux, sentant peut-être qu’on les rapprochait l’un de l’autre, repoussa les avances d’Arvers.

François Ier, comme Charles IX et la Saint-Barthélémy fort à la mode au temps du romantisme, tenta les deux « rivaux, » qui écrivirent chacun un drame dont la belle Ferronnière fut l’héroïne. Blaze préféra le drame d’Arvers à celui de Musset, et cite même dans ses Souvenirs quelques passages inédits des deux œuvres[1]. Pour sa part, Musset ne voulut jamais tirer la sienne de l’ombre. Celle d’Arvers parut, en partie, trop osée au directeur de l’Odéon, qui craignit de la monter. Oui, il y eut

  1. Voici le passage que Blaze qualifie de « rapsodie enfantine de Musset » dans son article sur le Poète Arvers (Revue des Deux Mondes, 1er février 1883).
    LE FOL.

    La première heure est triste, égayons la dernière.

    LE ROI.

    Bien dit ! mon page, amène ici la belle Ferronnière.
    Et du page qui court, une torche à la main,
    Le mantel d’or pourtant flotte sur le chemin,
    Car il sait avertir la belle Ferronnière,
    Mais dans sa chambre où dort la lampe funéraire
    L’avocat à l’œil dur est en habits de deuil ;
    Il se penche pour voir sa femme en son cercueil
    Et dit : Le duc d’Etampes eut pour lui la Bretagne.
    Bien ! Au lieu du remords, le mépris l’accompagne ;
    Chateaubriant eut peur et n’ouvrit qu’un tombeau,
    Sa vengeance boiteuse oublia le plus beau.
    Mais certes, qui verrait cette femme en sa couche
    Avec ce maigre corps, ces longs bras, cette bouche
    Qui n’a plus rien d’humain, pas même la pâleur,
    Qui verrait ce cadavre et se souvient de l’ange,
    Celui-là frémirait sachant comme on se venge.


    La facture de ces vers, Derniers instants de François Ier, rappelle celle du Roi s’amuse, mais la pièce de Musset est de 1831. « Tout le monde se disputait alors François Ier, dit Blaze, autant que Charles IX, la Saint-Barthélémy, les lévriers et les fols : ces sujets appartiennent au romantisme. »