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arriva à Essonnes : ce n’étaient qu’équipages, chevaux de selle, des officiers de tout grade, de tout âge, des paysans, des bourgeois, des femmes, des enfants, des soldats de tous les corps, de toutes les armes ; c’était en un mot un rendez-vous immense où tout se trouvait pêle-mêle. Jamais on ne put voir une plus grande variété et toute cette multitude, rayonnante de joie, de bonheur et d’enthousiasme, faisait retentir les airs de ces cris prolongés de « Vive l’Empereur ! Vive Napoléon ! »

Tous les plus grands personnages, tant civils que militaires, vinrent saluer l’Empereur, qui les accueillit de la manière la plus affectueuse. Le duc de Vicence, mon cher protecteur, lui aussi se trouva là ; Sa Majesté le fit monter dans la voiture.

On demanda à l’Empereur s’il voulait monter dans la voiture qu’on lui avait destinée ; mais il refusa, préférant rester dans celle où il était. Quatre nouveaux chevaux de poste y furent attelés.

On se mit en marche. Chemin faisant, malgré le brouhaha qui existait autour de moi, j’entendis l’Empereur faire mon éloge au Grand-Ecuyer, et je fus même assez longtemps l’objet de la conversation. Dans cette circonstance, ma petite vanité en éprouva la plus vive satisfaction et quelques coups d’œil du duc, que je saisis en me retournant de temps à autre, me firent comprendre tout le plaisir que lui-même en ressentait.

Enfin on arriva à la barrière de Villejuif, on suivit le boulevard et on atteignit les Inva-lides ; on passa le pont Louis XVI et on entra dans la cour des Tuileries par le guichet du Pont-Royal. Un immense con-cours de monde, qui s’était accru à chaque pas, avait précédé ou suivi le cortège depuis la barrière ; une partie de la population des quartiers avoisinant le boulevard s’était portée sur le passage de l’Empereur et avait encombré toutes les issues. Jusqu’au guichet, l’espace étant large, nous avons marché librement ; mais, une fois dans la cour, il ne nous fut plus possible d’avancer. Toute la partie du côté du pavillon de Flore, près duquel est l’entrée ordinaire du palais, était remplie d’une masse si compacte de généraux, d’officiers, de gardes-nationaux et d’une grande quantité de personnes de distinction, qu’il me fut impossible de faire avancer la voiture jusqu’au perron. L’Empereur, voyant qu’il ne pouvait aller plus loin, descendit au milieu de la foule immense qui se pressait autour de lui et, dès qu’il eut mis pied à terre, on s’empara