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s’étreignent en de furieux corps à corps ; la baïonnette, le 75 tracent de sanglants sillons. En vain les uniformes gris sont ramenés à l’assaut ; ils tombent et ne passent pas. Le mont d’Amance reste inviolé. La partie semble perdue, et Guillaume II, faisant rebrousser chemin à ses cuirassiers blancs, rentre tristement dans Metz.

Dans la journée du 9, Castelnau, sentant sa situation s’améliorer, mais craignant que l’ennemi, en se glissant entre Toul et Verdun, ne compromette l’issue de la grande bataille engagée sur la Marne, s’est spontanément privé d’une brigade et l’a envoyée dans la région de Saint-Mihiel. En même temps, il pousse sa droite en avant ; le 16e corps attaque sur la rive droite de la Mortagne, et la 74e division de réserve, enlevant Rehainviller, arrive jusqu’aux abords de Lunéville. Mais au centre, l’Allemand fait encore de furieux efforts pour s’ouvrir le défilé de l’Amezule ; un moment, il semble avoir atteint son but ; mais la bataille s’apaise, et, pour marquer sa déconvenue, le Boche envoie une cinquantaine d’obus sur Nancy ville ouverte.

Alors, Castelnau juge le moment venu de passer à une offensive générale. Offensive prudente et méthodique, car les troupes françaises sont exténuées et les Allemands sont fortement retranchés, mais qui, bien préparée par l’artillerie, progresse avec une sorte de lenteur puissante et irrésistible. Trois jours de suite, la 2e armée use la résistance allemande, si énergique que soit cette dernière. Enfin l’ennemi bat en retraite : Lunéville, Pont-à-Mousson, évacués par lui, sont occupés par nos soldats sans difficulté. Le 20e corps n’a pas le temps de jouir de sa victoire, car il est transporté au Nord-Est de Saint-Mihiel pour y prendre sa part des derniers épisodes de la bataille de la Marne. Et tandis que les troupes françaises récupèrent le sol national, constatant à chaque pas, par le nombre des morts, par la puissance des organisations ennemies, par le butin ramassé, l’étendue et l’importance de leurs succès, l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie allemandes refluent à travers les rues de Metz, « en loques, sans casques, » sans fusils, « à la débandade, mendiant un morceau de pain, un peu d’eau, une poire, une grappe de raisin, affûts sans canons, roues sans jantes, » troupeau lamentable, symbole vivant de la défaite. De l’aveu des généraux allemands, la magnifique armée bavaroise ne se relèvera jamais complètement des coups qu’elle a reçus devant Nancy.