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première étape de la conquête de l’Europe, — et elle a tout donné pour la défense de la civilisation. Avant de pouvoir faire davantage pour un monde qu’elle a tant contribué à sauver, la France doit recevoir son dû. » Et, développant cette idée, M. Wallace ajoutait : « C’est une anomalie dans l’histoire, de voir le vainqueur en plus mauvais état que le vaincu. Mais qui pourrait nier que la France est sortie de la guerre mondiale dans une moins bonne condition que sa grande ennemie ? Elle a ses plus belles provinces dévastées, ses énergies paralysées, et, s’étendant tout le long de sa frontière du Nord et de l’Est, un vaste cimetière peuplé des morts de ses armées. Il faut que l’Allemagne paie ; et elle doit payer en totalité. Le traité de Versailles a été forgé, non pas pour être violé ou tourné, mais pour être appliqué. » M. Hugh C. Wallace est allé plus loin ; il a déclaré : « Je persiste dans ma conviction que le traité de paix aurait vraiment dû être conclu sur le sol allemand et qu’une armée d’occupation installée en Allemagne devrait évacuer le territoire en raison exacte de la façon dont les conditions du traité seraient respectées et dont l’argent dû à la France et à la Belgique serait versé à leurs Trésors. Bismarck a donné à Francfort un exemple qui avait le double mérite d’être pratique et assez clair pour que ses compatriotes le comprissent. Le monde en est enfin venu à se rendre compte que les Allemands sont encore plus astucieux à faire la paix qu’à déclarer la guerre. » Je suis, bien malgré moi, forcé d’arrêter là ces citations ; il faudrait reproduire tout entier cet admirable discours, où je retrouve, magnifiquement mises en lumière, des vérités qu’on ne saurait trop répandre et qui paraissent quelquefois un peu oubliées. En tenant ce langage, M. Hugh C. Wallace a nettement pris à son compte le maximum des réclamations françaises. On ne l’accusera cependant pas, j’imagine, de faire de l’impérialisme à notre profit. Il a parfaitement compris que la France n’avait aucun désir de conquête, aucune velléité de troubler la paix, qu’elle demandait seulement le montant des réparations qui lui sont dues, et que ses légitimes volontés se heurtaient sans cesse à la mauvaise foi du Reich. Il était bon que ces choses fussent dites par un Américain, qui a vécu parmi nous, qui sait à quoi s’en tenir sur notre manière de penser et d’agir, et dont le témoignage nous sera précieux auprès de ses compatriotes.

La mauvaise foi du Reich, peut-être l’aperçoit-on moins distinctement d’Amérique que de France. Mais M. Wallace a raison ; il est impossible qu’on ne finisse pas par s’en rendre compte en tous lieux. Elle continue à s’exercer, en ce moment, de plus belle, dans la question