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que dura le souper, l’Empereur fut d’une gaîté, d’une amabilité, d’une galanterie char-mantes.il était heureux. Marchand et moi, nous servions.

Le débarquement avait eu lieu avec mystère, ou en avait eu l’air ; mais les quelques personnes qui avaient accompagné l’Empereur et ensuite toutes celles qui étaient à la Madone, ne tardèrent pas d’être informées immédiatement de la présence des deux dames et du jeune garçon ; et le lendemain, dans toutes les parties de l’île et surtout à Porto-Ferrajo, on dut en avoir connaissance.

L’Empereur avait connu Mme Walewska à Varsovie, lors de la campagne de Pologne. Le jeune garçon était fils de cette dame et de l’Empereur. C’est celui qui est connu à Paris sous le nom de comte de Walewski.

Mme Walewska avait dû être, dans son jeune âge, une fort belle personne. Bien qu’ayant, lors de son voyage à l’île d’Elbe, la trentaine et peut-être quelque chose de plus ; elle était encore fort bien. Ce qui la déparait un peu, c’étaient quelques petites places sanguines ou rougeurs qu’elle avait dans la figure. Du reste, elle était très blanche et d’un coloris qui annonçait une belle santé. Elle était de belle taille, avait un embonpoint raisonnable. Elle avait une fort belle bouche, de beaux yeux, les cheveux châtain-clair ; elle avait l’air fort douce et pa-raissait être une excellente personne.

Sa sœur était charmante, les traits bien réguliers ; elle avait l’apparence d’une jeune personne de dix-huit à dix-neuf ans, et éclatante de fraîcheur. Elle était un peu moins grande que Mme Walewska. Le jeune Walewski était gentil garçon, déjà grandelet, la figure un peu pâle ; il avait quelque chose des traits de l’Empereur. Il en avait le sérieux.

Comme je l’ai dit, l’Empereur prenait plaisir à servir lui-même ces dames, découpant les viandes, servant à boire, etc. Quand elles eurent fini de manger, il les accompagna au logement qu’il leur avait fait préparer, et revint se déshabiller dans sa tente.

Le lendemain, vint à la Madone un officier, chef d’escadron polonais en uniforme des lanciers de la garde ; il était frère de Mme Walewska ou passa pour tel. L’Empereur l’invita à dîner. Dans la soirée, cet officier prit congé de Sa Majesté et retourna à la Marine de Murciane et peut-être à Porto-Ferrajo.