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du côté du ravin, est beaucoup plus élevé, le terrain étant beaucoup plus bas : ce qui est rez-de-chaussée du côté de l’église, devient premier du côté du ravin. Dans la partie basse sont des caves, dont une est occupée par les deux sacristains. Devant cette façade est une plate-forme assez étendue et plantée de quelques arbres. Non loin de là, plus bas et un peu en avant, est une autre plate-forme qui se prolonge jusqu’à une glacière, dont l’entrée fait face à la plate-forme. De petits chemins tortueux facilitent les communications d’un endroit à l’autre.

Le lendemain ou le surlendemain de mon arrivée à la Madone, bon nombre de personnes de service et un petit peloton de chasseurs ou grenadiers vinrent s’y installer. L’Empereur ne tarda pas à les suivre, et occupa les chambres du presbytère. On établit la cuisine dans une partie de la grande plate-forme, et près de là, une tente fut dressée pour servir de logement aux personnes de la bouche et mettre les provisions. Les soldats placèrent la leur en avant du chevet de l’église. Comme il n’y avait pas assez de place pour tout le monde, on prit possession de la sacristie, où on s’arrangea pour le mieux. L’Empereur fit dresser sa tente. Elle occupait l’extrémité de la plate-forme opposée à la glacière. Cet endroit avait été disposé pour la recevoir. Sa Majesté la fit meubler d’un lit de campagne, de quelques sièges et d’une table. On crut d’abord que l’Empereur voulait se donner le plaisir de coucher tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, ce que du reste il aimait assez. Mais on sut quelques jours après pourquoi toutes ces dispositions et pourquoi le voyage à la Madone.

Il y avait quelques jours que nous étions à la Madone, lorsqu’un matin l’Empereur eut l’idée de prendre le plaisir de la chasse. Je pris deux fusils et ensemble nous allâmes gagner le chemin, qui, de notre ruelle, donne dans la montagne, et mène au plateau parsemé d’arbres dont j’ai parlé plus haut. La montée, assez semblable à un ravin, était difficile par la grande quantité de pierres roulantes, sur lesquelles il fallait marcher. L’Empereur allait doucement et se reposait souvent. Tout haletants, nous atteignîmes la hauteur et par conséquent le plateau. Alors nous marchâmes sur une herbe courte et fournie, plus agréable aux pieds que les meilleurs tapis des salons de Paris. L’Empereur prit son fusil et alla tantôt à droite, tantôt à