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sans aversion. Nous étions seulement précédés, comme en 1792. d’une réputation de mangeurs de prêtres, assez inquiétante dans ce pays catholique. Le clergé se prépara au martyre. Non seulement il eut la surprise de n’y être pas conduit, mais le général Maugin fit rouvrir dans son palais une chapelle où la dernière messe avait été dite du temps de Jean-Bon Saint-André, conventionnel et régicide. Du départ des Français à leur retour elle était restée fermée. La guerre a de ces caprices.

Aurait-on pu, au début de l’occupation, trouver une coopération loyale dans le clergé et dans le Centre catholique ? Aurait-on pu aider les pays rhénans, sans chercher à les détacher de l’Allemagne, à se délivrer de la souveraineté prussienne qui pèse sur une grande partie d’entre eux depuis 1815, et de l’hégémonie prussienne qui pèse sur tous depuis 1871 ? Aurait-on pu, en un mot, aider l’Allemagne rhénane à prendre dans les affaires de l’Empire sa juste part de direction, et faire à son profit et en faveur de la paix générale, la même révolution d’influence, que la Bavière accomplit en ce moment contre nous et au profit de la revanche ? — Ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Mais il faut bien dire un mot de la situation actuelle et de la politique présente de la France, puisque l’exposition que nous allions inaugurer à Biebrich était un trait de cette politique.

La population rhénane n’a aucune hostilité contre nous : voilà le premier fait. Il n’y a aucune raison de ne pas la croire loyalement allemande, mais cette loyauté s’accommode avec un caractère facile à gouverner, un esprit de sérieux et de discipline, et le goût des travaux de la paix. Entre cette population et les Français se rétabliraient sans aucun doute les relations qui sont la vraie tradition de ce pays. Mais, d’autre part, cette population est très jalousement surveillée par le reste de l’Allemagne et en particulier par la Prusse. Elle craint les listes noires, les vengeances, les représailles. Et nous sommes au milieu d’elle comme des hôtes compromettants.

Sur l’ordre de Berlin, les relations avec les Français sont interdites ; un cadeau de livres à une bibliothèque allemande, d’abord accepté, est refusé ; les mêmes hommes, cordiaux, — à leur foyer, — détournent la tête dans la rue. Si un concert français est donné, un concert rival est aussitôt organisé à Francfort. Les Allemands ne doivent paraître ni au théâtre, ni aux courses, quoiqu’ils aient le goût de parier, poussé à la fureur. Et