Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’émission d’emprunts autrichiens et hongrois, le ministre insista-t-il pour une acceptation pure et simple de l’Autriche, en répondant, d’une manière évasive et courtoise, que la question des emprunts serait examinée en son temps, mais qu’elle n’avait aucun rapport avec celle du Traité ; et il prévint notre ambassadeur de cette réponse. Quelques semaines après, M. Crozier étant absent de Vienne, M. de Selves reçut de M. de Saint-Aulaire la dépêche dont j’ai parlé plus haut et qui le mettait en garde contre les combinaisons financières du Gouvernement autrichien. Le 20 décembre suivant, M. de Saint-Aulaire appuyait en-core sur ses objections. Il rappelait que tous les journaux de la monarchie avaient commenté la demande d’emprunt formée par Æhrenthal et il ajoutait : « J’ai été interrogé, à cet égard, à plusieurs reprises, par l’ambassadeur de Russie à Vienne. En l’état actuel des choses, m’a dit M. de Giers, l’emprunt envisagé par l’Autriche ne peut être destiné qu’à des armements et à des armements dirigés contre nous. » Je me suis appli-qué à le rassurer en m’inspirant de l’accueil si clairvoyant que Votre Excellence a réservé aux ouvertures du comte Szecsen. Dans les milieux autrichiens, on ne dissimule pas que cet emprunt est nécessaire pour l’exécution du programme naval et militaire. On admet le caractère forcément illusoire des garanties qui seraient données en sens contraire. En effet, si tout ou partie de cet emprunt était appliqué à des dépenses non militaires, il n’en dégagerait pas moins, dans l’ensemble du budget, des ressources correspondantes, qui seraient consacrées aux dépenses militaires... Le comte d’Æhrenthal aura montré dans cette affaire une longue patience, mais aussi une psychologie courte. En donnant à sa demande le caractère d’un marchandage, et en l’ébauchant, pour la première fois, immédiatement après un long entretien avec l’ambassadeur d’Allemagne, il la présentait dans les conditions les plus propres à aggraver les objections qu’elle soulève déjà en elle-même. Ces objections, je les ai indiquées à plusieurs reprises, continuait M. de Saint-Aulaire, et notamment dans mon rapport du 22 sep-tembre 1910. Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour indiquer qu’elles n’ont rien perdu de leur force en ce qui concerne le danger de l’émigration de nos capitaux à Berlin et à Vienne. J’ai appris, en effet, de source sûre, que la maison X. de Vienne a mis des sommes très importantes à la disposition du marché de Berlin pendant la crise qu’il a traversée l’été dernier. Nul doute que le courant de capitaux français qui s’établirait en Autriche-Hongrie ne soit, en grande partie, dérivé du côté de l’Allemagne. » M. de Saint-Aulaire