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LETTRES DE PÉTROGRAD
ESQUISSES DE LA VIE SOVIÉTIQUE

I

Nous n’avons sur ce qui se passe en Russie que des nouvelles indirectes, fragmentaires et incertaines. Une personnalité russe qui appartient à l’une des colonies résidant à Paris, a réussi, cet hiver même, à pénétrer dans Pétrograd et à s’y installer pour vivre la vie de ses compatriotes sous le joug de Lénine. Les extraits que nous donnons de ses lettres composent un tableau, aussi complet et suivi qu’il est possible, du régime des Soviets.


Janvier-mars 1921.


Est-il possible que ce soit vrai ?... Tous nos fronts « blancs » sont liquidés et, après un an et demi passé à lutter, dans les rangs de l’armée active, contre les Bolchéwiki, je me retrouve dans les grands centres de la culture européenne. Sont-elles vraiment fondées, les opi-nions que j’entends exprimer dans nos colonies russes à Paris, à Londres, à Copenhague, à Berlin, à Helsingfors ? Certains insinuent qu’il serait inopportun d’engager de l’extérieur une lutte active contre le bolchévisme, et affectent de croire à la possibilité d’une lutte engagée à l’intérieur du pays. Nous serions à la veille d’une évolution dans la politique du gouvernement communiste. Des émigrés qui se prétendent bien informés parlent d’un renouveau de vie dans la Russie des Soviets, d’une résurrection dans les usines, les manufactures et les moyens de transport : un ingénieur ne m’affirme-t-il pas qu’il y a actuellement huit trains quotidiens aller et retour sur le Transsibérien ?