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En mariant son fils, Charles de La Fontaine lui offrit par contrat ou bien dix mille livres en immeubles ou bien un de ses offices de maître des eaux et forêts, car, en même temps que capitaine des chasses, il était maître particulier ancien et maître triennal des eaux et forêts du duché de Château-Thierry, et de la prévôté de Châtillon-sur-Marne. Jean choisit les dix mille livres d’immeubles, et ce fut seulement cinq ans plus tard, en 1652, qu’il devint maître triennal des eaux et forêts. Après la mort de son père (1658), il cumula la maîtrise ancienne avec la maîtrise triennale, et remplit ces deux charges jusqu’en 1671, époque où elles furent supprimées.

La question des offices forestiers de La Fontaine est terriblement embrouillée. Elle n’est pas d’un intérêt capital dans la biographie du poète. Les fonctions de maître ancien qui étaient le martelage, le balivage, l’assiette et l’adjudication des ventes de bois, l’entretien des routes et des ponts, la police des rivières, et celles de maître triennal qui étaient de judicature, La Fontaine ne s’en acquitta jamais avec un zèle exemplaire. Il a aimé les forêts, comme il a aimé tous les aspects de la nature ; il les a prises pour confidentes de ses rêveries ; il eût voulu les défendre contre la cognée des bûcherons, ce qui n’était pas toujours compatible avec les exigences d’une « bonne exploitation. » Quant aux délinquants, ses justiciables, il devait les traiter sans rigueur ; comment eût-il été sévère au pêcheur qui, sans écouter les plaintes du « pauvre barbillon, » l’avait mis dans sa gibecière, au mépris des ordonnances royales ?


Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire [1].


IV. — A PARIS ET A REIMS

Quelques séjours à Paris et à Reims paraissent avoir été les grands divertissements de ces années de jeunesse.

A Paris, il fréquente le petit cercle des Tallemant, des Furetière, des Maynard, des Pellisson, la « troupe, » comme l’appelle Pellisson lui-même. Un jour qu’il a, sans crier gare, quitté ses camarades et regagné Château-Thierry, il y reçoit les

  1. Le petit Poisson et le Pêcheur.