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que le traité fût publié et qu’il n’y eût pas une seule clause tenue secrète. Lorsqu’a été jadis signée l’alliance russe, la France a dû s’incliner devant le désir du Tsar et garder dans ses archives un parchemin, qui aurait pu, du reste, être divulgué sans le moindre inconvénient. Le temps est passé de ces mystères inutiles. Jamais, il est vrai, la diplomatie n’a été plus clandestine que depuis la guerre et le Conseil suprême statue, à chaque instant, sur le sort des peuples, sans que les Parlements soient consultés ou même avertis. Mais, pour une alliance, qui pourrait avoir des conséquences ultérieures très graves et décider un jour de la guerre ou de la paix, rien ne saurait être définitivement arrêté qu’en pleine lumière.

À peine est-il besoin d’ajouter que cette alliance devrait être strictement défensive. Dans la promesse d’assistance que M. Lloyd George avait remise à M. Clemenceau et qui était, d’ailleurs, subordonnée à l’engagement américain, le premier ministre britannique avait pris soin de spécifier que l’Angleterre ne nous seconderait que si nous étions attaqués. Encore avait-il précisé qu’il entendait parler d’une attaque « non provoquée, » réserve qui était de nature à susciter, le moment venu, bien des dissentiments et des querelles : car on peut être sûr, dès maintenant, que le jour où il plaira à l’Allemagne de nous atta-quer de nouveau, elle prétendra avoir été provoquée. C’est l’éternelle théorie de la guerre préventive, telle que l’ont professée les plus grands maîtres de la doctrine germanique. Abstraction faite de ces deux mots malencontreux, l’alliance devra donc manifester clairement son caractère défensif. De même que l’Angleterre ne nous secour-rait pas, si, par impossible, nous étions jamais les agresseurs de l’Allemagne, de même nous ne saurions lui promettre un concours éventuel dans une guerre qui ne serait pas une guerre rigoureusement défensive. Nous avons surtout à nous garder de tous accords qui risqueraient de nous conduire, par une voie indirecte, à d’intempestifs démêlés avec les États-Unis d’Amérique.

Nous sommes les amis du Japon et la visite du prince Hiro-Hito à Paris vient de consacrer encore cette amitié par d’heureuses démonstrations. Mais l’Angleterre, elle, est l’alliée du gouvernement du Mikado. Demain, peuvent surgir, dans le Pacifique, entre les États-Unis et le Japon, mille questions qu’envenimera le conflit des races. Jusqu’où l’Angleterre se trouvera-t-elle entraînée par son alliance ? Nul n’est dans les confidences du destin. Nous avons donc le devoir de réserver notre liberté pour ne pas être nous-mêmes, plus tard, engagés dans des aventures. Hier, M. Briand a très opportunément