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Lorsqu’un animal, — scientifiquement, l’homme en est un, — a subi une injection d’une substance albuminoïde telle qu’un sérum, il se trouve sensibilisé par elle de telle sorte qu’une deuxième injection identique, faite peu après, ou même une injection à dose beaucoup plus faible, peut le rendre très ma-lade et produire des accidents très graves, alors que la première injection ne l’avait pas gêné. L’anaphylaxie est donc à peu près le contraire de la mithridatisation, de l’accoutumance aux substances toxiques. C’est l’anaphylaxie qui est responsable d’un grand nombre des accidents survenus dans les injections successives de sérums thérapeutiques, telle que les sérums antityphoïdiques. J’ai eu déjà l’occasion d’en parler naguère ici-même à l’occasion des beaux travaux du docteur Le Moignic. C’est elle aussi qui est responsable de beaucoup de phénomènes d’intolérance alimentaire ou médici-nale. Le fait, par exemple, que certaines personnes, après avoir consommé beaucoup d’œufs pendant des années, arrivent soudain à n’en plus pouvoir avaler une parcelle sans être malades, relève de l’anaphylaxie ; le fait aussi que certains médicaments, pris longtemps à haute dose et bien tolérés, ne peuvent soudain plus être absorbés sans malaise.

J’ajoute, pour rassurer les personnes timorées, qu’on a aujourd’hui des moyens sûrs pour éviter les accidents d’anaphylaxie dans les injections de sérum, comme de guérir l’anaphylaxie alimentaire. Mais ce n’est pas là mon sujet.

Or les malaises typiques qui accompagnent l’anaphylaxie et qui se traduisent extérieurement par la syncope, l’hypotension artérielle, des troubles convulsifs, gastro-intestinaux et respiratoires, ont été étudiés au laboratoire, et on a constaté notamment que le sang des sujets présente alors une sorte de bouleversement complet, de perturbation manifestés par des signes toujours identiques et facilement re-connaissables : diminution de la tension artérielle, trouble de la coagulabilité sanguine et surtout diminution considérable du nombre des globules blancs du sang.

C’est ce déséquilibre frappant du sang, cet ébranlement si brusque de ses propriétés normales, cette rupture de son état habituel que le professeur Widal a appelée d’une expression frappante et heureuse, dès aujourd’hui classique : le « CHOC HEMOCLASIQUE. »

M. Fernand Widal et ses collaborateurs ont montré récemment, comme nous allons voir maintenant, que ce « choc hémoclasique » constitue en médecine un signe nouveau non seulement des malaises anaphylactiques, mais d’une quantité de troubles morbides d’origines