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comme dans les esprits : l’unité des Etats modernes est une unité centralisée, et non plus une unité fédérative ! c’est l’unité d’un système, et non plus l’unité d’une diversité ; elle est extérieurement plus forte, mais intérieurement plus faible : car elle ne repose plus sur l’unité des esprits. Les contraires dont est faite la vérité totale, — liberté et autorité, par exemple, sous la primauté de l’ordre consenti, — ont été séparés, puis émancipés ; chacun a suivi son cours ; et nous avons, depuis lors, perpétuellement oscillé de l’absolutisme sans règle à la liberté sans frein, de l’anarchie à la contrainte, sans que l’équilibre ait jamais pu être atteint, sauf pour un temps et sous l’action de quelques très grands esprits : cependant que se perpétuait ininterrompue, au cœur de la nation, dans les habitudes de nos paysans, dans les idées de notre élite, cette tradition, humaine et chrétienne, d’ordre, d’équilibre, d’harmonie, qui demeure pareille à une inspiration toute prête à prendre corps.

Il semble qu’à l’heure actuelle les puissances du mal se soient coalisées pour livrer, dans la paix, à l’ordre, qui a vaincu dans la guerre, un suprême assaut. La civilisation chrétienne et occidentale, qui se confond avec la civilisation humaine, en triomphera : nous le croyons, nous l’espérons. Mais il est bon que l’historien nous fournisse, avec des règles d’action, des raisons précises de croire et d’espérer.


JACQUES CHEVALIER.