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SOUVENIRS DE MUSIQUE ET DE MUSICIENS

III [1]
PORTRAITS ET SILHOUETTES LYRIQUES

Un soir, à l’Opéra-Comique, un critique musical à ses débuts avait pour voisin l’un des anciens, peut-être le doyen de leur profession commune ; un des plus écoutés parmi nous, sinon des mieux écoutants, car il commençait alors, et même il avait depuis longtemps commencé de ne plus entendre. A certain moment, le vétéran se pencha vers son jeune confrère et lui fit cette question : « Vous qui avez été au Conservatoire, pourriez-vous me dire en quel ton l’école moderne écrit pour le quatuor ? »

Ce soir-là, je reconnus avec humilité les limites de notre savoir et j’excusai les compositeurs qui tiennent en médiocre estime la critique musicale et ses jugements.

Peu d’années après, je dinais en compagnie d’un musicien éminent, auteur de l’un des chefs-d’œuvre du répertoire contemporain. Des amis communs, nos hôtes, avaient pris soin de m’avertir que le maître n’éprouvait qu’une indulgence voisine de la pitié pour un pauvre chroniqueur, lequel s’y entendait à la musique, — on me rapporta les propos de mon voisin de table, — à peu près aussi bien que son garçon coiffeur. Le repas achevé, pour se confirmer dans cette opinion, il me pria, non sans ironie, de me mettre au piano. La partition de son opéra, qu’on répétait alors, m’avait été communiquée en

  1. Voyez la Revue des 15 mai et 1er juin.