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Bien que Kronenborg ne soit qu’à cinq lieues de Copenhague, la flotte arriva seulement le 15 devant la capitale du Danemark. Elle y demeura, à cause des vents contraires, jusqu’au 17, et un bâtard de Christiern V et de la comtesse de Samsoë, qui, présenté à Louis XIV en 1691, avait commandé le Royal-Danois en Flandre, et qui, comme tous les bâtards des rois de Danemark, portait le titre de comte de Guldenlew, vint saluer le prince de Conti au nom de son père. Le 17, l’escadre fît très peu de chemin. Elle mit neuf jours pour aller péniblement de Copenhague à Dantzick. Le 25 septembre, l’abbé de Châteauneuf écrivait à Torcy : « Je reçus hier du Sund une lettre de la main du prince datée du 14. A présent, on vient de me dire que sa flotte parait. Ainsi je n’aurai pas l’honneur de vous entretenir longtemps. »


Ce n’est que le 26 septembre, à deux heures de l’après-midi, que l’escadre jeta l’ancre en rade de Dantzick. Grâce à l’abbé de Châteauneuf, le prince connut bientôt les derniers événements : une diète hostile à l’électeur de Saxe s’était réunie à Varsovie ; vers la fin du mois d’août, la noblesse s’était confédérée contre l’usurpateur ; mais, le 15 septembre, à Cracovie, l’usurpateur avait fait briser par deux abbés le coffre aux huit serrures, dont les huit clefs, confiées à huit seigneurs, se trouvaient presque toutes aux mains des partisans de Conti ; il en avait fait tirer la couronne de Pologne, au milieu d’une assistance plus allemande que polonaise ; il l’avait placée sur sa tête. Le cardinal Radzieiowski et le palatin de Kiovie, craignant de le voir marcher sur Varsovie, s’étaient retirés à Lowitz, emmenant avec eux toute l’artillerie qui était dans la capitale.

De ces nouvelles, il ne fallait pas s’alarmer outre mesure, car une armée se levait pour le prince de Conti ; la noblesse, convoquée en pospolite, allait se diviser en trois corps, celui de Lithuanie sous le palatin de Vilna, celui de grande Pologne sous le castellan de Kalisch, celui de petite Pologne sous le palatin de Beltz.

Dès le lendemain de son arrivée, le prince de Conti reçut sur sa frégate une centaine de Polonais et trois ou quatre grands seigneurs, qui lui conseillèrent d’aller attendre à Marienbourg une députation de la République. Il ne leur dissimula pas qu’il