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jours au château de Meudon, chez Monseigneur, et ils se rendaient à Marly.

Monseigneur et le prince de Conti avaient à peine atteint les environs de Rocquencourt, qu’un courrier du Roi parut sur le chemin. C’est que Galleran était arrivé de Pologne à deux heures ; le Roi avait lu les dépêches dont il était porteur, et, aussitôt après mandé les deux princes. Monseigneur et Conti se hâtèrent donc vers Marly. Ils ne trouvèrent pas le Roi au château, mais à la promenade, dans les jardins. Louis XIV, qui n’avait parlé à personne de l’arrivée de Galleran, ne leur en parla pas non plus. La promenade s’acheva, et ce n’est qu’un peu plus tard, dans la chambre de Mme de Maintenon et en présence du ministre Torcy, qu’il fit des compliments au prince de Conti, et lui témoigna la joie qu’ils devaient avoir tous les deux d’un si heureux événement. Comme pour rendre plus sensible le succès du prince, Polignac et Châteauneuf avaient mis dans le paquet du Roi deux lettres adressées « A Sa Majesté Polonaise. » Louis XIV prit Conti par la main, il sortit de la chambre ; et, le montrant aux dames réunies dans le grand cabinet voisin : « Voilà, dit-il, un roi que je vous amène. »

On peut penser si le nouveau souverain fut étouffé de compliments. Ils n’étaient pas tous aussi bien tournés que celui que lui envoya de Dijon le marquis de Lassay : « Il n’y a qu’une couronne dans l’Europe que l’on donne au mérite, et on vous cherche à quatre ou cinq cents lieues pour vous la venir offrir ; cela est assez flatteur, Monseigneur. »

Mais la nouvelle se répand de proche en proche. Monsieur est averti à Saint-Cloud, par ordre du Roi ; le duc de La Trémoïlle la porte au roi et à la reine d’Angleterre à Saint-Germain. Le prince de Conti se rend lui-même auprès des Majestés britanniques. Cependant la nouvelle court jusqu’en Flandre, atteint la nuit Stratem, où sont campées côte à côte les armées des maréchaux de Boufflers et de Villeroy ; le Te Deum éclate au centre de la ligne, et, de la droite d’un maréchal à la gauche de l’autre, les salves de canon illuminent et ébranlent « quatre lieues de pays. » Mais Conti ne veut pas être traité en roi de Pologne, ainsi que l’a désiré Louis XIV. Il craint que l’élection ne soit pas certaine, qu’un retour de fortune ne se produise en faveur de l’électeur de Saxe. Lorsque l’abbé Fleury, venu à Marly le féliciter, lui demande s’il doit le traiter de Majesté, il lui