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LE GRAND CONTI

IV [1]


LE ROI DE POLOGNE (suite)

Le matin du 25 juin 1697, on assista à l’antique spectacle traditionnel, tumultueuse scène d’opéra, qui a pour acteurs plus de cent mille gentilshommes et se déroule dans le vert décor de la Vistule et de ses collines, en vue des maisons, des palais et des églises de Varsovie. Une ceinture d’innombrables tentes ferme au loin l’immense plaine de Whola ; et, autour d’une enceinte rectangulaire protégée par des fossés, le kolo ou chambre réservée aux nonces, avec ses trois portes, celle de la grande Pologne à l’Ouest, celle de la petite au Midi, celle de la Lithuanie à l’Est, et tout au bout, le pavillon des sénateurs ou szopa, la noblesse de Pologne et de Lithuanie accourt et se groupe.

La plupart de ces gentilshommes sont à cheval et en armes, quelques-uns, les plus pauvres, marchent la faux sur l’épaule, tous se rangent par palatinat, chaque palatinat divisé en compagnies, chaque compagnie comprenant de deux à neuf cents électeurs. C’est une foule grouillante costumée avec le luxe oriental cher aux Polonais. Les cavaliers resplendissent dans leurs armures ; les palatines et les castellanes s’avancent en pompeux cortège ; les évêques haranguent à cheval et le crucifix à la main ; et soudain, parmi les piaffements des chevaux, l’agitation et les cris des hommes, l’éclair d’un sabre qui jaillit du fourreau ou la flamme rouge d’un coup de pistolet ! Voici l’évêque de Plock qui exhorte son palatinat à voter pour le candidat français ; il n’a pas achevé de parler, que les cris de : Vive Conti ! retentissent. La clameur se prolonge dans les palatinats

  1. Voyez la Revue des 1er avril, 1er mai et 1er juin.