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converser avec un curé ; la piété n’était pas le trait dominant de leur caractère : mais la douceur, la manière affable et enjouée, le dévouement de ce curé-là, qui leur consacrait tous ses instants, les avaient conquis l’un après l’autre et rapidement. La présence de ce religieux leur était devenue indispensable. Un officier du poste, que j’ai interrogé, m’a dit : « Il est hors de doute que l’influence qu’il exerça sur leur moral fut pour beaucoup dans ce fait singulier : aucun de ces quarante-neuf blessés, dont plusieurs avaient été grièvement atteints, et de plusieurs blessures, ne succomba. Je me souviens d’un certain légionnaire, d’origine allemande, que nous considérions comme un sujet peu recommandable. Il avait eu à El Moungar la poitrine traversée par une balle, et les docteurs l’avaient unanimement condamné, Le Père de Foucauld s’occupa de lui comme du plus gravement blessé et du moins sympathique, c’est-à-dire particulièrement. Reçu d’abord plus que fraîchement, il finit, par sa patience et sa douceur, par se concilier ce pauvre homme, au point que celui-ci le réclamait à chaque instant, et lui racontait l’histoire intime, — pas toujours belle, — d’un vieux soldat d’Afrique. Celui-là même se tira d’affaire, et survécut à sa blessure « mortelle. » Je crois pouvoir affirmer que les quarante-neuf blessés, chacun en son temps, reçurent la communion des mains du Père de Foucauld. »

Une seule fois. Frère Charles quitta ses blessés. Ce fut le 18 septembre. Ce jour-là, accompagné de quelques officiers et sous-officiers, et de deux pelotons du makhzen, il se rendit sur le lieu du combat d’El Moungar, et bénit la tombe des deux officiers et la fosse où avaient été ensevelies les autres victimes du combat d’El Moungar.

Il reprenait le chemin de Béni Abbès le 30 septembre.

Dans les mois qui suivirent, il retourna encore rendre visite à ses convalescents de Taghit. Puis, vers la fin de l’année, il se mit en retraite. Les retraites du Père de Foucauld, on l’a déjà vu, étaient pour lui l’occasion du plus minutieux examen de conscience, et des résolutions les plus nettes. Il écrivit, cette fois, à son directeur, l’abbé Huvelin : « Les trois principales choses dont j’ai à demander pardon à Jésus, pour l’an 1903, sont : sensualité, manque de charité envers le prochain, tiédeur envers le bon Dieu. » Or, il ne mangeait jamais à sa faim, faisait oraison jour et nuit, et ne repoussait aucun de ceux qui