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dans les centres de population musulmane, le dévouement, la charité, l’école, la conversation sur les sommets accessibles à la raison, doivent préparer la prédication de la doctrine révélée. Les hommes qui ont le mieux aimé l’Afrique n’ont cessé de recommander cette méthode : ils n’ont pas prétendu que le musulman fût inconvertissable.

Dans son diaire, après avoir résumé les conseils de Mgr Guérin, le Père de Foucauld cite des passages d’une Vie de saint Pierre Claver, qui, à Carthagène des Indes, se dévouait à la conversion des Maures. Le livre raconte que le saint, par sa charité, vainquit beaucoup de ces âmes rudes et hostiles. « Dès que le P. Claver apprenait l’arrivée de quelque flotte chargée de Maures, il allait aussitôt les chercher, soit sur les vaisseaux, soit dans les rues, soit dans les maisons de la ville ; il tâchait de lier peu à peu amitié avec eux, s’intéressait à leurs affaires, leur demandait s’ils avaient besoin de quelque chose. En même temps, il leur faisait entendre qu’ils pouvaient disposer de lui, et qu’il était prêt à les secourir, en tout ce qui dépendrait de ses soins. Enfin, il faisait si bien, par sa persévérance et par ses services, qu’il les gagnait insensiblement à Jésus-Christ. »

L’histoire des missions franciscaines, celle des missions des Trinitaires, celle de saint Vincent de Paul captif des Barbaresques, offriraient, sans aucun doute, des exemples semblables. On citerait aisément des musulmans convertis par une sorte de miracle de la grâce, ou par la méditation des dogmes chrétiens, ou par l’étude de la mystique, ou par l’admiration pour la supériorité morale de chrétiens fervents. Il y a eu des conversions de familles musulmanes entières : familles des émirs Chehab et Bellama, en Syrie, à la fin du XVIIe siècle. Il y a eu des conversions en masse, de colons musulmans, — souvent berbères, — en diverses provinces d’Espagne, conversion des Maragatos, des environs de Léon et d’Astorga, aux Xe et XIe siècles ; des agriculteurs de Majorque au XIIIe ; de ceux de Jaen au XIVe, grâce aux prédications de saint Pierre Pascal ; et de même, en Italie, en Crète ; de nos jours, une société russe orthodoxe s’est vouée à la conversion des musulmans de Cazan, et y réussit, par une méthode qui se rapproche beaucoup de celle du Père de Foucauld. N’avons-nous pas, d’ailleurs, plus près de nous, le spectacle des chrétientés kabyles groupées autour des portes des Pères Blancs ? Débuts sans doute, minces chrétientés disséminées on