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à leur apprivoisement, aux moyens d’établir la paix africaine.]


Deux semaines plus tard, le commandant Lacroix, chef du service des affaires indigènes à Alger, recevait cette lettre du Père Guérin :

« Je ne veux pas tarder plus longtemps à vous adresser des nouvelles de notre cher Père de Foucauld.

« Je l’ai trouvé réellement très heureux ; sa joie très sincère est, me semble-t-il, une preuve qu’il est bien dans la voie que lui trace, pour le moment, la divine Providence. Il mène sans doute une vie très austère et se nourrit très pauvrement ; malgré cela, il se porte relativement bien ; je lui ai trouvé très sensiblement la figure meilleure qu’au moment de son départ, en novembre 1901. Ce n’est pas sans une vive consolation que j’ai constaté la profonde influence de notre cher ami sur tous ceux qui le connaissent, officiers ou soldats, européens ou indigènes. Tous ont pour lui une très respectueuse admiration, et plusieurs officiers l’entourent d’une toute fraternelle amitié.

« Ah ! c’est que l’on ne peut pas s’empêcher d’être touché par son absolu désintéressement et son inépuisable charité, — comme aussi l’on se trouve tout de suite gagné par sa gaîté.

« Pour moi, je regarde comme un des meilleurs moments de ma vie les cinq journées, hélas ! trop rapidement écoulées, que j’ai pu demeurer dans la compagnie du cher Père, et vivre un peu de sa vie de recueillement, de prière et de charité. A la « Fraternité du Sacré-Cœur, » on est sans doute bien pauvre comme bâtiment, mobilier, etc., mais on a du moins le sentiment très profond de se trouver auprès d’un saint prêtre qui possède bien parfaitement l’esprit de Jésus, son maître, et dont le cœur est tout rempli des dispositions mêmes de ce divin Chef. »

De son côté, Frère Charles écrivait à M. Guérin :

« Je me suis senti seul, pour la première fois depuis bien des années, lundi soir, lorsque, peu à peu, vous avez disparu dans l’ombre. J’ai compris, senti, que j’étais un ermite. Bien-aimé Père, combien je vous remercie de votre visite, du bien que vous m’avez fait ! Je ferai de mon mieux, pour me conformer à toutes vos paroles, pour rectifier, améliorer, corriger, selon vos volontés et vos désirs. »