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ne manqueraient pas d’exercer ces autres ennemis qui se disaient Français et qui, pendant vingt-cinq ans, n’avaient cessé de conspirer la ruine de cette France, laquelle les avait rejetés de son sein.

Il était quatre heures du matin ; la nuit avait été calme et tranquille, et probablement l’Empereur lavait passée, non dans l’engourdissement du sommeil, mais dans les réflexions les plus tristes. Décidé à réaliser son projet, il appela Hubert, qui était de service. Celui-ci entre immédiatement dans la chambre, tenant un flambeau couvert ; il lui demanda sa robe de chambre. Hubert, après avoir mis le flambeau sur le guéridon, passe à l’Empereur sa robe de chambre, le pantalon à pieds et lui chausse les pantoufles. Ceci fait, le serviteur découvre le feu du foyer et le ranime. L’Empereur, ayant l’intention d’écrire à l’Impératrice, lui dit d’aller chercher du papier. Hubert s’empresse de descendre au cabinet et d’en rapporter papier, plumes et encre, qu’il met sur le guéridon ; il approche cette table de la causeuse qui est devant la cheminée et où est assis l’Empereur, et se retire dans l’antichambre, laissant toutefois la porte entrouverte afin de mieux entendre si l’Empereur venait à l’appeler et aussi de manière à pouvoir entrevoir Sa Majesté sans en être vu.

L’Empereur se met à écrire, mais, mécontent des lignes qu’il vient de tracer, il déchire le papier et le jette au feu ; il reprend la plume, écrit de nouveau, et, aussi peu satisfait que la première fois, la feuille est également déchirée et jetée au feu. Enfin, un troisième commencement de lettre a le même sort que les deux précédentes. Peu après, l’Empereur se leva et se dirigea vers la commode qui faisait face à la cheminée. A cet instant Hubert, voyant l’Empereur debout, ferme la porte un peu plus près, pour ne pas être aperçu.

Sur la commode de la chambre, il y avait habituellement sur une assiette deux verres couverts d’une serviette, une petite cuiller, un sucrier, et, à côté, une carafe pleine d’eau. Mais, par l’effet du hasard, le sucrier manquait, parce que, le garçon de garde-robe ayant trop tardé la veille de le faire remplir, il se trouvait dans la pièce où était Hubert. Il faut ajouter que dans l’un des deux verres, il y avait ordinairement du sucre fondu, mais que, par oubli ou autrement, il n’y avait rien dans le verre. Pendant qu’Hubert était aux écoutes pour répondre à