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survenus avant qu’on fût parvenu à l’endroit où les malheureux ouvriers étaient ensevelis. Pendant tout le diner, on ne cessa de parler de cet événement, et chacun fit l’éloge du courageux dévouement de Geoffrin. L’Empereur envoya la croix d’honneur à ce brave homme.

Une fois, à ma connaissance, l’Empereur est allé déjeuner dans le petit kiosque qui est au bout de la terrasse du bord de l’eau. Ce kiosque, qui venait d’être construit, était fort gentil et commodément distribué.

Un soir, on avait posé sur le guéridon de la chambre à coucher de l’Empereur une fort belle parure en opales entourées de diamants. Les uns et les autres de l’intérieur, nous ne manquâmes pas de la regarder, de l’admirer ; elle faisait un fort bel effet, surtout à la lumière. Lorsque l’Empereur rentra chez lui, il la vit et probablement l’envoya à l’Impératrice, car le lendemain elle n’était plus dans la chambre.

Aux Tuileries, dans chaque pièce des appartements, il y avait des valets de chambre et des garçons de la chambre. Parmi ces derniers, il y avait des jeunes gens qui avaient fait leurs études. Ceux-ci, pour passer le temps et se distraire de l’ennui de garder un salon, s’amusaient à lire. Il arrivait parfois qu’au moment qu’ils y pensaient le moins, l’Empereur venait à paraître. Le livre était aussitôt mis de côté ; mais quelquefois il arrivait qu’il était oublié sur un fauteuil, un pliant, ou sur tout autre meuble. Si le livre tombait sous les yeux de l’Empereur, il le prenait, le feuilletait. Si c’était un bon livre, il le remettait sur le meuble où il l’avait trouvé, mais s’il était mauvais, il témoignait un vif mécontentement de ce qu’on se permettait chez lui la lecture de tels livres. Je ne sais s’il ne les jetait pas au feu. Il ne voulait rien voir dans ses appartements qui blessât les yeux de qui que ce fût. Aussi ces jeunes gens avaient-ils l’attention de ne pas laisser traîner leurs livres, surtout ceux qui étaient contraires aux bonnes mœurs.


Vers le mois de février, l’Empereur s’installa à l’Elysée. Cette habitation lui convenait infiniment. Quand il avait à causer avec quelqu’un, il n’avait qu’à ouvrir la porte de son salon ou de son cabinet, pour aller se promener dans le jardin. Cet avantage, il ne pouvait l’avoir aux Tuileries, où il se considérait