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Alors je quittais le service, j’allais me déshabiller dans ma chambre qui était aux écuries et je sortais en bourgeois pour faire le tour du Palais-Royal ; après quoi, j’allais me coucher.

On s’habitue à tout et je m’habituai à ce qu’exigeait mon nouvel emploi, qui était de ne rien faire les trois quarts de la journée. Le matin, vers les sept ou huit heures, je me rendais à mon service. Constamment, dans l’antichambre, qui était la salle de bains, il y avait le matin une ou deux ou trois personnes qui attendaient le lever de l’Empereur pour être annoncées. Quand la toilette était terminée et que l’Empereur était passé dans son cabinet, tous ceux qui avaient été admis s’en allaient, même Constant et Roustan. Alors le valet de chambre et moi nous entrions dans la chambre pour remettre toutes choses en état et en place ; ensuite nous faisions le lit. Après ceci, l’ébéniste, le garçon de garde-robe et le frotteur venaient faire chacun ce qui le regardait sous la surveillance du valet de chambre. Pour moi, j’allais dans le salon des petits officiers, attendre que le lever fût fini afin d’entrer dans le salon des grands officiers, où l’Empereur prenait ses repas. Lorsque tout le monde était sorti de chez Sa Majesté, le couvreur de table préparait le couvert sur un guéridon, ainsi qu’une table de desserte [1], et à l’heure indiquée (neuf heures moins un quart environ), le maître d’hôtel, M. Dunant, arrivait avec les mets. Ce qui devait être tenu chaud était placé sur des réchauds. Toutes choses disposées, le couvreur de table s’en allait Le préfet du palais, qui était présent, allait frapper à la porte du salon et prévenait l’Empereur qu’il était servi [2]. Moi, je me tenais à la droite du fauteuil que devait occuper l’Empereur, tous les trois attendant que Sa Majesté vint se mettre à table.

Si quelquefois l’Empereur arrivait immédiatement, quelquefois

  1. Le guéridon était placé à quelques pieds au delà de la cheminée, éloigné de six ou sept pieds de la cloison de ce côté et à peu près à la même distance de la cloison du fond de la pièce, le fauteuil regardant la fenêtre. Derrière était la table de desserte.
  2. Quand l’Empereur sortait de son salon pour aller se mettre à table, il avait son chapeau ou sur la tête ou sous le bras gauche. Dans ce cas-ci, il le donnait au préfet du palais qui le lui remettait quand il rentrait au salon. Souvent il le gardait sur sa tête pendant le repas. S’il lui arrivait de l’ôter, il le posait à terre, à sa droite, et le reprenait quand il se levait de table.