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Car, du jour où il fut rentré en France, ceux de ses anciens compagnons qui projetaient d’écrire sur la vie de l’Empereur à Sainte-Hélène, s’adressaient naturellement à lui pour établir tel ou tel point de détail. Il rédigeait alors des notes et les leur envoyait, gardant son brouillon, — car c’était un homme méticuleux.

Plus tard seulement, et, croyons-nous, lorsqu’il fut établi à Sens, il commença à rédiger des Souvenirs suivis, pour sa famille, et aussi pour Marchand. Ce sont ces Souvenirs dont on lira plus loin des extraits. Ils remplissaient 321 pages grand format, d’une écriture fine et serrée. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cessa de les compléter. Il y ajouta ainsi 13 pages d’additions, 2 pages de notes, 19 pages de suppléments. Des chiffres pour les additions, des lettres pour les notes indiquent nettement (sauf quelques légères erreurs faciles à corriger) l’endroit du texte où devaient se placer les unes et les autres. Pour les suppléments, il n’a pas eu le temps de faire ce travail. Il a rédigé aussi le Catalogne complet de la bibliothèque de Sainte-Hélène. Enfin il a laissé des observations sur divers ouvrages consacrés à l’histoire de l’Empereur « Las Cases, Montholon, de Norvins, Méneval, de Beauterne, Fleury de Chaboulon, William Forsith (Hudson Lowe), Thiers, etc).

Il avait dit dans le codicille de son Testament : « Comme tout ce que j’ai écrit est assez informe et qu’il y a des choses qui ne sont d’aucun intérêt pour tout autre que pour moi, je désire que mes papiers ne soient communiqués à personne, excepté à M. Marchand. » Les filles de Saint-Denis ont vu dans cette formule modeste une défense catégorique. Dès lors elles ont opposé un refus absolu à toutes les demandes de communication qui leur ont été faites. Peu au courant d’ailleurs de ce qui se publiait sur l’Empereur, elles ont cru que tel ou tel passage révélait des secrets et qu’on pourrait les reprocher comme des indiscrétions à la mémoire de leur père. Aussi leur résolution est-elle demeurée invincible.

Mais elles ont conservé ces Souvenirs avec piété, et ils sont venus intacts jusqu’à nous. La postérité des deux filles aînées a disparu. La troisième, Napoléone-Mathilde, a eu deux filles et un fils. Ce dernier est mort sans enfant. L’une des filles ne s’est point mariée. L’autre est ma belle-mère : c’est ainsi que l’honneur m’est échu de présenter ces pages au public.