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occupations territoriales. Pour quiconque a pris la peine de lire entre les lignes des accords de Paris, il était clair que le cabinet anglais nous avait alors demandé une importante diminution sur notre créance et qu’il ne s’était nullement obligé à nous suivre, le cas échéant, dans la voie des sanctions. L’intransigeance dont M. Simons avait fait preuve ensuite dans les conversations de Londres nous avait sauvés d’une dangereuse abdication et nous avions pris alors, avec toutes les apparences du consentement britannique, les mesures nécessaires pour entrer dans la vallée de la Ruhr et pour envoyer en Allemagne « le gendarme et l’huissier. »

La Commission des Réparations avait signifié au Reich une mise en demeure pour la partie de la dette exigible le 1er mai, c’est-à-dire pour douze milliards. Le traité de Versailles nous donnait donc le droit d’agir, même isolément. « Patientez quelques jours, nous dit M. Lloyd George. Si l’Allemagne ne s’exécute pas, nous occuperons tous ensemble le bassin de la Ruhr ; mais, pour mettre plus sûrement encore le droit de notre côté, commençons par lui envoyer un ultimatum. » Nous acceptons. Mais sur quelles données cet ultimatum va-t-il être rédigé ? S’en réfère-t-on à l’accord de Paris ? Nullement, S’en rapporte-t-on au chiffre de 132 milliards, fixé par la Commission des Réparations ? Pas davantage. Comme je l’ai indiqué dans ma dernière chronique et comme l’ont lumineusement montré M. Tardieu dans son âpre réquisitoire, M. Forgeot dans son magnifique discours, M. Chéron dans son irréfutable rapport à la Commission des finances du Sénat, l’état de paiements dressé à Londres imposera encore à la France, par le jeu des intérêts, de nouveaux et graves sacrifices. Nous n’aurons que trop souvent l’occasion de rappeler ce que nous coûtent ces conventions bâtardes. Mais tout l’effort de M. Lloyd George a tendu à nous les faire accepter pour que notre classe 19 fût mobilisée en vain, et que la Ruhr ne fût pas occupée. L’Allemagne a compris ; elle s’est empressée d’adhérer à l’ultimatum et, comme récompense supplémentaire, les agents du cabinet britannique, et, en première-ligne, lord d’Abernon, lui ont promis qu’elle ne perdrait pas la Haute-Silésie. Nous avons aujourd’hui sous les yeux les résultats de ce marché et nous ne voyons que trop à quels abîmes nous a conduits cette longue série de complaisances.

En Haute-Silésie, malgré le vote des émigrés et malgré le soin qu’avait pris M. Lloyd George de les faire appeler aux urnes, par grandes masses, le même jour que les habitants, toute la région située à l’Est et au Sud-Est d’Oppeln s’est prononcée pour la Pologne. Les