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Hasarder, le prince de Conti ne s’en souciait pas. Il consentait à vendre des terres pour se procurer de l’argent, il écrivait volontiers et fort gracieusement au cardinal Radzieiowski, primat-interroi, et aux principaux seigneurs de Pologne ; il dînait avec plaisir à la campagne chez Samuel Bernard, le plus puissant banquier de l’Europe, pour hâter l’envoi des six cent mille livres ; mais il ne se sentait aucun goût pour le rôle de chevalier errant.


Tandis que le prince de Conti semblait dédaigner la fortune qui s’offrait à lui, un voisin de la République polonaise, le jeune électeur de Saxe Frédéric-Auguste, qui, en sa qualité de protestant, ne pouvait songer à la couronne de Pologne, brûlait déjà d’être roi. Przebendowski, castellan de Kulm, un partisan du prince Jacques, acheté, — pas assez cher, — par Polignac, conseillait à l’Electeur d’abjurer, citait des précédents. Comme Paris, la Pologne valait bien une messe.

Frédéric-Auguste massa des troupes du côté de Torgau, fit monnaie de tout, fit même de la fausse monnaie. Dans ses coffres, il entassa des millions. A Rome, il laissa espérer sa conversion ; à Louis XIV, avec qui il était en guerre et qui d’ailleurs refusa ses offres, il proposa, en échange de son appui et de ses subsides, une alliance offensive et défensive ; au cardinal Radzieiowski, à Polignac, à Châteauneuf, il dépêcha un envoyé. Lui-même, il alla trouver un de ses parents, Christian-Auguste de Saxe-Naumbourg, évêque de Javarin, protestant converti en 1693, dont l’abjuration avait eu des mobiles fort peu désintéressés. Le 2 juin 1697, l’évêque et l’Electeur se rencontrèrent à Baden près de Vienne, et l’évêque attesta que son très cher et très honoré cousin, absous par lui de toute hérésie et de tout péché, avait abjuré le luthéranisme, fait profession de la religion romaine, et communié de sa main avec beaucoup de dévotion et de respect. Beau certificat latin, très précieux en Pologne, et qui permit à Frédéric-Auguste d’écrire au cardinal Radzieiowski qu’il professerait publiquement sa religion, aussitôt qu’il serait sur le trône.

Le 23 juin 1697, l’énergie de Polignac et l’opposition de Pryemski, échanson de la couronne, empêchèrent le cardinal, dont soixante mille écus entretenaient les sentiments pour la