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mille livres de pensions. Il espérait que la reine de Pologne, veuve du roi Sobieski, une Française qui s’était appelée autrefois Mlle d’Arquien, se liguerait avec Polignac et défendrait les intérêts français. Il avait compté sans l’ambition, les caprices, les furies de son ex-sujette.

Celle-ci lui en avait voulu longtemps de ce qu’il n’avait pas érigé, pour son père, le marquisat d’Arquien en duché-pairie, Le marquis d’Arquien ne reçut jamais que le cordon bleu, et c’est seulement vers l’âge de quatre-vingt-dix ans qu’il dut à son gendre Sobieski, de devenir cardinal, un cardinal fort peu dévot qui ne disait jamais de bréviaire et s’en vantait.

Marie d’Arquien était la digne sœur de cette marquise de Béthune que l’abbé de Choisy nous montre jetant le contenu de certain vase à la tête d’un mari surpris en trop heureuse fortune. Cette fille d’un simple gentilhomme du Berri, qui, dans ses lettres, appelait Louis XIV « Monsieur mon Frère, » et signait : « Votre bonne Sœur et très affectionnée Marie-Casimire, Reine, » était un redoutable adversaire à cause de son caractère passionné et de sa décourageante obstination. « Vous êtes la meilleure créature du monde, disait un jour Sobieski à sa femme, mais il faut du beau temps pour vous comme pour le foin, et, quand d’aventure nous ne voulons pas quelque chose ou que nous nous entêtons à quelque chose, il n’y a plus. moyen de nous faire bouger. » Or, la reine de Pologne n’avait pas voulu patronner la candidature de ses deux fils cadets, Alexandre et Constantin, elle assurait que son gendre, l’électeur de Bavière, ne briguait pas la couronne. Seul, l’aîné, le prince Jacques Sobieski, était son candidat.

On pouvait s’en étonner, car elle aimait peu ce fils au corps disgracié, qui se couvrait le visage de mouches et parlait d’une voix de fausset, jeune homme léger, qui, après la mort de Sobieski, avait traité sa mère indignement. « Je mettrai, n’en disait pas moins la reine de Pologne, tout ce que j’ai de bien pour sauver la couronne à ma famille ; si je la perds, en profite qui pourra. »


Elle réussit à empêcher la diète, composée du Sénat et de la Chambre des nonces, de donner audience à l’ambassadeur de France. Un des nonces se retira, et avoua plus tard, moyennant