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Mlle de Choin demeuraient à la cour, Monseigneur qui aimait la fille d’honneur, Clermont-Chatte qui était aimé de la fille d’honneur et de la princesse, Luxembourg et Conti qui avaient favorisé ces quadruples amours, étaient partis pour l’armée de Flandre, sans que le Roi eût découvert l’intrigue.

Mais il avait entrevu quelque chose et il n’avait pas « oublié de se servir du secret de la poste. » Il avait connu tous les sentiments, tous les projets de Clermont et de la Choin. Il avait lu la lettre où Clermont sacrifiait à la demoiselle la correspondance de sa princesse et la lui livrait. Dans cette lettre qui « accompagnait le sacrifice, » la douairière de Conti « était traitée sans ménagement. Monseigneur n’était marqué que sous le nom de leur gros ami, et tout le cœur semblait se répandre. »

Un après-dîner, ne sortant pas à cause du mauvais temps, le Roi avait mandé la princesse dans son cabinet, il l’avait chapitrée, il l’avait confondue en lui montrant ses lettres et celles de Clermont ; plus encore, en la forçant de lire celles de Clermont à la Choin, il l’avait vue à ses pieds dans les « sanglots, » les « pardons, » les « désespoirs » et « la rage, » implorant « justice et vengeance. »

Au moment où la marche du pont d’Espierre venait de réussir si triomphalement, Luxembourg et Conti ignoraient sans doute encore tout cela ; mais ils avaient appris déjà que Mlle de Choin était chassée, obligée de se retirer à l’abbaye de Port-Royal, rue de la Bourbe ; et Luxembourg avait reçu l’ordre d’envoyer Clermont-Chatte à Tournay. Plus tard, le galant de la princesse de Conti, l’amant de Mlle de Choin, dut se démettre de toutes ses charges. Il fut exilé en Dauphiné et ne revint que sous la Régence. Luxembourg vécut plusieurs jours dans les transes. L’inquiétude de Conti fut aussi très réelle. Heureusement, Luxembourg était nécessaire, et Conti semblait beaucoup moins coupable que lui. Ni à l’un, ni à l’autre, le Roi ne dit un mot de ce qu’il avait découvert, lorsqu’ils revinrent à la cour ; il se contenta du plaisir d’avoir renversé leur savant édifice.


Pareille aventure n’était pas faite pour atténuer le mauvais vouloir du Roi, obtenir au prince de Conti ce commandement des armées, l’objet de ses rêves, et dont il était digne.

Il le sollicita cependant ou plutôt Monseigneur le sollicita