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dans sa déception que la chance d’avoir comme excuse aux yeux du public une pluie diluvienne qui faisait un fleuve de la Mehaigne.

Saint-Simon, mousquetaire alors âgé de dix-sept ans, a raconté les souffrances de nos soldats, leur colère contre saint Médard, responsable, suivant la tradition populaire, du mauvais temps au mois de juin, et dont ils recherchaient les statues pour les briser. Il nous a montré les tranchées devenues des lacs de boue ; les tentes réunies par des fascines, frêles chaussées qui s’abîmaient peu à peu dans le cloaque ; le ravitaillement devenu impossible, les chevaux réduits aux feuilles d’arbres. La cita- delle de Namur n’en capitula pas moins le 30 juin 1692.

Le Roi revint bientôt à Dinant au grand contentement des dames, qui allaient quitter le lamentable séjour. Il y avait six semaines qu’elles s’y morfondaient ! Mais la satisfaction de la princesse de Conti n’était pas complète. Le prince avait alors sa première attaque de goutte, et elle s’inquiétait de le voir si jeune aux prises avec un mal dont avait si cruellement souffert son oncle Condé. Le prince de Conti vint la rassurer lui-même le 4 juillet, et il put retourner à son poste dans l’armée du maréchal de Luxembourg.

Le 4 août, Conti se battait à Steinkerque. On connaît le début du joli récit de Voltaire. « Un espion que le général français avait auprès du roi Guillaume est découvert. On le force, avant de le faire mourir, d’écrire un faux avis au maréchal de Luxembourg. Sur ce faux avis, Luxembourg prend, avec raison, des mesures qui le devaient faire battre. Son armée endormie est attaquée à la pointe du jour : une brigade est déjà mise en fuite, et le général le sait à peine. Sans un excès de diligence et de bravoure, tout était perdu. Ce n’était pas assez d’être grand général, pour n’être pas mis en déroute, il fallait avoir des troupes aguerries, capables de se rallier ; des officiers généraux assez habiles pour rétablir le désordre. »

Conti fut le plus habile d’entre eux. Le voici : il n’a pas eu le temps de nouer son ample cravate de dentelle, qui flotte, comme on dira désormais, à la Steinkerque. Il accourt avec une brigade fraîche au secours d’une brigade décimée par le « feu épouvantable » des Anglais, accablée sous la ruée de la division du général Mackay et des troupes danoises. Il est en présence d’un bataillon qui fuit, il saisit le « drapeau-colonel. »