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naturellement supprimées. Quant au système des examens, on l’abolit pour la raison qu’il entraînait une inégalité tout à fait incompatible avec l’esprit des temps nouveaux. Dans les lycées et les écoles, professeurs et instituteurs furent suspendus pendant quatre semaines, le temps de suivre un cours d’instruction bolchéviste. Après quoi, les camarades instructeurs (comme on les nommait maintenant) se trouvèrent autorisés à reprendre leur fonction. Dans chaque école, un Directoire composé de dix élèves veillait à la pureté de l’enseignement communiste, proposait aux Soviets les révocations nécessaires, ou signalait au tribunal, comme empoisonneurs de la jeunesse, les maîtres qui avaient prononcé quelque parole imprudente. Le latin et le grec avaient été rayés des programmes, et les livres classiques de la Société Saint-Etienne envoyés au pilon. D’instruction religieuse. il n’était naturellement plus question ; et comme une théorie, très en honneur parmi les bolchévistes, attribuait les principaux maux dont souffrait la famille d’autrefois a l’ignorance où les enfants étaient laissés des rapports entre les sexes, on institua, pour les garçons et les filles, des cours d’hygiène qui donnèrent lieu à des exhibitions scandaleuses, tantôt dans les hôpitaux, tantôt dans de soi-disant musées d’art plastique, tantôt au cinématographe, le tout accompagné de discours sur l’amour libre.

Officiellement toutefois, le bolchévisme se défendit de vouloir rien entreprendre contre l’exercice des cultes et la liberté de conscience. Les Juifs de la république soviétique n’entendaient pas être accusés de mener contre le Christianisme une guerre de religion. Ce n’était d’ailleurs que prudence dans ce vieux pays chrétien, où catholiques et protestants demeurent très attachés à leur foi. Kunfi, le commissaire du peuple à l’instruction publique, protesta par décret que le Gouvernement des Conseils laissait a tout le monde la liberté de ses croyances ; que les églises et autres bâtiments religieux ne seraient pas convertis en cinémas, théâtres ou cabarets ; qu’on ne changerait rien au mariage ni à la vie de famille, et que la République n’avait jamais eu l’intention d’établir la communauté des femmes. Curés, pasteurs et rabbins durent lire à leurs fidèles ce mandement laïque, qui montre bien l’état d’esprit alors régnant en Hongrie, et qu’au regard des plus simples le bolchévisme apparaissait comme une volonté de ruiner tout ce que le temps et la vie ont fondé sur la pensée et le sentiment chrétiens...