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par le moyen d’un groupe de censeurs choisis parmi les écrivains, et renouvelé tous les six mois. Des représentants des Soviets surveillaient à leur tour ce comité, car c’est un fait bien connu, déclarait un des Commissaires pour la littérature et les arts, que les écrivains arrivés sont infailliblement enclins aux idées conservatrices. Les créations intellectuelles furent distinguées en deux catégories. La première comprenait tous les ouvrages acceptés, imprimés et répandus par le gouvernement des Soviets, parce qu’ils propageaient ses principes. La seconde se composait de travaux plus simplement destinés à satisfaire le goût du public. Les littérateurs de la première catégorie recevaient le salaire maximum affecté aux ouvriers spécialistes. Quant aux auteurs de volumes qui ne se proposaient que de plaire, ils travaillaient à leurs risques et périls. Tant pis, si leurs ouvrages n’avaient pas de succès ; mais, en cas de grosse vente, le bénéfice qu’ils en pouvaient retirer ne devait dépasser en aucun cas le maximum du prix fixé par le gouvernement pour ses volumes de propagande. Cela, disaient les moralistes, afin de ne pas encourager la littérature mercantile. ;

Dans la réalité, les choses se passèrent un peu différemment. Il y eut d’abord le groupe des amis, ceux dont les Commissaires étaient sûrs, et qui touchaient mensuellement de brillants honoraires, sans qu’on exigeât rien d’eux, par respect pour un génie qu’on ne pouvait contraindre à produire. Il y eut ensuite le groupe de ceux qui travaillaient sur commande de l’Etat, et qui, fournissant quelque chose, touchaient naturellement un peu moins. Il y eut enfin les artistes (et c’étaient les meilleurs de la Hongrie) dont les œuvres ne pouvaient être qu’hostiles aux idées nouvelles : ceux-là ne recevaient que le plus bas salaire, et encore sous la condition de ne plus écrire ni peindre ! Théâtres, cinématographes, lieux de plaisir devinrent gratuits. Il fallait seulement, pour entrer, montrer sa carte syndicale. Une commission spéciale fixait le programme des spectacles ; et à la fin de la représentation, un conférencier célébrait les beautés du bolchévisme. Mais comme personne ne restait pour l’entendre, on mit le prône aux entractes.

A l’Université, la plupart des professeurs chrétiens avaient été expulsés. On les remplaça par de jeunes Juifs, dont beaucoup venaient tout juste de passer leurs examens. Les facultés de droit et de théologie, qui ne répondaient plus à rien, furent