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lieux où, probablement, il n’a jamais été corporellement. »

Quatre jours plus tard, au soir d’une journée chaude, les voyageurs arrivaient à l’entrée de l’oasis. ;


VIII. — BENI ABBÈS

Béni Abbès est une oasis de 7 à 8 000 palmiers. Ils poussent sur la rive gauche de la Saoura, dans les terres et les sables où sont nombreuses les fontaines, et ils forment une longue futaie épaisse, serrée contre une falaise qui la domine de haut. La Saoura elle-même n’est autre que l’oued Zousfana, venant de Figuig, et qui s’est confondue, à 40 kilomètres au Nord de l’oasis, avec un fleuve plus abondant, l’oued Guir, descendu des plateaux du grand Atlas marocain. Leurs eaux mêlées se sont terrées, pour ne pas être bues par le soleil, selon la coutume des fleuves sahariens ; elles traversent en tunnel les déserts ; elles ne réapparaissent à la lumière qu’à l’entrée de la palmeraie, dont elles suivent la bordure, — la rive droite étant presque sans verdure, — pendant quinze cents mètres environ, puis disparaissent de nouveau, pour aller peut-être, bien loin de là, gonfler mystérieusement le cours du Niger [1].

Les voyageurs qui viennent de Colomb Béchar, en suivant la large vallée, marchent longtemps dans la rocaille, entre le lit desséché de cette Saoura et les dunes qui bornent le désert vers la gauche. Quand ils ont dépassé le bouquet de palmes de Mazzer, ils doivent mettre les pieds dans le sable, et franchir des éperons successifs de dunes qui, devant eux, limitent l’horizon. C’est seulement du sommet de la dernière dune, qu’on aperçoit, entre deux falaises, tout à coup et à courte distance, la rivière tournante, les premières flaques d’eau, les premières formes qui plient, les cimes d’une grande palmeraie verte, un haut plateau à droite, un haut plateau à gauche, et, sur la crête de celui-ci, les murailles crénelées, blanches, éblouissantes, du bordj des affaires indigènes. On sort de l’aride, on pénètre dans le domaine de l’ombre, des sources, des cultures et de la vie. L’intervalle entre les falaises qui tiennent dans leurs bras

  1. Il est probable que le Niger a été, anciennement, sans communication avec l’Océan. Cet immense fleuve naissait et se perdait dans le continent africain. Ses eaux remplissaient la dépression désertique où sont exploitées les mines de sel de Taoudéni, et formaient là un second Tchad.