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d’apprendre l’allemand, s’ils veulent y demeurer ? D’où il faudrait conclure que l’Alsacien veut se cantonner dans son isolement linguistique et que les fonctionnaires français ont le devoir d’apprendre la langue des vaincus. C’est avec ces insanités qu’on compromet les causes les plus justes. Mais allez donc faire entendre raison aux gens qui, pour maintenir l’enseignement de l’allemand classique en Alsace, vont jusqu’à proclamer que cet allemand est leur « langue maternelle ! »

Et voyez jusqu’à quels procédés de polémique se laissent encore entraîner les fanatiques qui « se méfient de tout ce qui vient de France ! » Un de leurs amis avait invité quelques enfants de huit ans à écrire de mémoire le « Notre Père » en français, suivant toutes les probabilités dans une école où le maître était un adversaire de la méthode directe. Les copies furent lamentables. Un journal du Haut-Rhin s’empressa de les reproduire, pensant par là confirmer sa théorie sur la « langue maternelle. » Or, un autre instituteur de la même région fît exécuter, sous contrôle cette fois, un travail analogue par des enfants du même âge. Le résultat fut satisfaisant. On envoya les nouvelles copies au rédacteur, qui avait publié les premières. Avec une mauvaise foi insigne, la publication fut refusée. Une cause défendue par de pareils moyens est jugée.

Et la conséquence ? Confondant, d’une manière regrettable, l’agitation faite par certains membres du clergé en faveur du maintien de la langue allemande avec la confessionnalité de l’école, M. Lavisse publiait dernièrement dans le Temps un article où il préconisait l’introduction en Alsace de la neutralité scolaire. Parce qu’il y a là-bas, au point de vue de l’enseignement des langues, des « extrémistes cléricaux, » il fallait, à l’en croire, « diriger l’évolution » vers la suppression de l’enseignement religieux. Confusion dangereuse ; mais dont les « extrémistes » en question portent une part de responsabilité. Je tiens à proclamer ici bien haut que les croyants d’Alsace ne se solidarisent en aucune manière avec les quelques fanatiques, malheureusement très bruyants, qui, par tous les moyens, essayent de créer un particularisme alsacien dans la France unifiée, et qui, pour y arriver plus sûrement, réparent constamment les brèches du mur chinois que l’Allemagne avait élevé entre la France et l’Alsace.

Le français est pratiquement et utilement enseigné dans les