Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/539

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avant 1870 avait ainsi porté ses fruits, ce qui prouve bien que, sans faire disparaître l’usage du dialecte, on peut arriver à donner la pratique courante du français a la population alsacienne.

Ce qui, dans la campagne pour la prétendue Muttersprache', m’irrite le plus, c’est que ses partisans d’aujourd’hui trouvaient tout naturel l’exclusivisme linguistique des autorités scolaires allemandes. On était mal venu, avant 1914, de célébrer en Alsace les avantages du bilinguisme. Et pourtant, dans la plupart de nos grands établissements industriels et commerciaux, la correspondance et la comptabilité étaient tenues en français. La conséquence en était que, ne trouvant pas sur place d’employés utilisables, par suite de la carence de l’école officielle, nos fabricants et nos commerçants faisaient venir leur personnel de Suisse. Que de fois n’avons-nous pas protesté contre cette fatale conséquence de l’intransigeance allemande ! Or, qui trouvions-nous devant nous pour nous combattre ? Ceux-là mêmes qui maintenant chantent les beautés de la « langue maternelle, » c’est-à-dire du haut allemand, langue qui, je ne cesserai pas de le répéter, n’est pas d’un usage courant dans le pays.

L’Alsace et la Lorraine font de nouveau partie de la France une et indivisible. Leur population doit devenir française, non seulement de cœur, mais encore de langue. Nous ne voulons pas dans nos deux provinces de mouvement flamingant. Toutes nos relations intellectuelles, sociales, économiques, devront s’établir avec la nation à laquelle nous appartenons. Or, pour que ces relations deviennent intimes et profitables, il faut que nous puissions parler la même langue que nos compatriotes. C’est à l’école qu’il appartient de donner cette facilité aux jeunes générations.

Le peuple alsacien veut apprendre le français. Partout où l’on avait d’abord ouvert des cours d’adultes, les habitants des villes et des villages avaient montré un grand empressement à les suivre. Une réaction ne s’est produite qu’après l’agitation systématique et extravagante pour le maintien de la Muttersprache. Je dis bien extravagante, car n’ai-je pas lu, dans un de ces articles venimeux où, sous prétexte de philologie, on cherche à faire revivre en Alsace l’esprit particulariste, que les Français de l’intérieur, qui viennent s’établir dans les trois départements reconquis, n’ont qu’à se donner la peine