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peu des gens mal renseignés. La Muttersprache des habitants de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine est et reste un dialecte très éloigné de l’allemand classique.

Sans doute, à l’époque où nos deux provinces reconquises faisaient partie de l’Empire germanique, il fallait recourir à l’enseignement de la langue officielle, parce qu’elle était le seul véhicule imaginable de la pensée écrite. Mais, depuis que les trois départements de l’Est ont fait retour à la Mère-Patrie, il serait surprenant qu’il fallût prendre le long détour de l’enseignement du haut allemand pour arriver ensuite péniblement à celui du français par voie de comparaison.

Là se trouve l’équivoque que les défenseurs de la « langue maternelle » essayent de créer. Du fait que l’allemand ressemble plus à l’alsacien, idiome germanique, que le français, langue latine, ils concluent, un peu témérairement, qu’on ne saurait apprendre utilement le second qu’en possédant d’abord à fond le premier. Le problème se présenterait peut-être sous un autre aspect si le dialecte alsacien était une langue écrite. Dès lors qu’il ne l’est pas, il semble bien inutile de faire perdre à l’enfant un temps précieux à l’étude d’une langue évidemment apparentée, mais malgré cela étrangère, avant de lui donner directement la connaissance de la langue nationale.

Nous voilà au cœur du débat : méthode directe, ou méthode de comparaison et de traduction. Je le sais, quelques pédagogues accommodants acceptent la méthode directe ; mais souhaitent que, pendant les premières années de scolarité, le maître soit autorisé à donner en allemand à l’élève quelques explications jugées nécessaires. D’autres, allant plus loin, désirent n’appliquer la méthode qu’aux leçons de langue, mais enseigner en allemand la religion, l’histoire, la géographie, les mathématiques. Ce sont là des demi-mesures qui ne font que retarder les progrès des enfants dans l’emploi courant de la langue dont, dans leur propre intérêt, ils devront pouvoir couramment se servir, parce qu’elle est désormais celle de leurs compatriotes.

Nous nous trouvons ici en face d’affirmations contradictoires. Le principal argument des adversaires de la méthode directe est la constatation de sa faillite effective, dans un certain nombre d’écoles. Le fait est indéniable. Mais à qui la faute ? Ne rencontrons-nous pas, dans une partie du corps enseignant, incapacité ou mauvais vouloir ? Je n’insisterai pas sur cette dernière défaillance.