Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il a été, tout de suite, facile de prévoir que l’Allemagne suivrait ces conseils. Elle s’est débattue quelques jours dans une crise ministérielle qui lui a permis de traîner les choses jusqu’à la dernière heure. Elle a constitué un nouveau Cabinet. M. Wirth, devenu chancelier et ministre des Affaires étrangères, s’est chargé de faire accepter l’ultimatum par le Reichstag, et 221 voix contre 175 ont adopté son programme. Capitulation, résignation ou calcul ? L’avenir nous le dira. Voyons, en attendant, quel est, au juste, le présent.

La Commission des Réparations avait souverainement jugé que, sur les vingt milliards de marks or que le traité obligeait l’Allemagne à verser avant le 1er mai, huit seulement avaient été payés. Elle avait mis le gouvernement du Reich en demeure de s’acquitter, pour la date convenue, du reliquat de douze milliards et notamment de remettre un milliard d’or sur l’encaisse métallique dont il disposait. Elle avait officiellement constaté la carence de l’Allemagne et, conformément aux prescriptions du Traité, elle s’était retournée vers les Gouvernements pour leur signaler que le moment était venu de recourir aux sanctions et aux mesures de coercition. Dans sa déclaration du 5 mai, le Conseil suprême a lui-même rappelé que l’Allemagne avait, sur ce point, manqué à ses obligations. Mais, au lieu de prendre, comme c’était son droit, des garanties immédiates, il a fait venir à Londres la Commission des Réparations et il a obtenu d’elle qu’elle retirât la sommation qu’elle avait envoyée à l’Allemagne. Dans l’état de paiements qu’elle a dressé le 6 mai, elle n’a plus, en effet, exigé le versement des douze milliards. Elle a seulement demandé que, pour une date ultérieure, c’est-à-dire pour le 1er juillet 1921, il fût créé par l’Allemagne des obligations jusqu’à concurrence du montant de la dette échue. Ces obligations porteront un intérêt de cinq pour cent de leur capital nominal et il sera mis, en outre, de côté un pour cent, en vue de les amortir. Les nations créancières en tireront ce qu’elles pourront, auprès des grands banquiers qui les voudront bien prendre, et, alors même qu’elles ne recevraient que sept ou huit milliards, l’Allemagne sera libérée de tout ce qu’elle doit aujourd’hui. Quant à la remise du milliard de marks or appartenant à la Reichsbank, il n’en est plus question. Sous la pression des gouvernements alliés, la Commission retire sa réclamation. Elle accorde un délai supplémentaire de vingt-cinq jours au Reich et elle lui permet de s’acquitter, non plus en or, mais en devises étrangères, en traites sur l’étranger ou en effets à trois mois sur le Trésor allemand.