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Israëls ; auprès de ces aînés et de ces initiateurs, une nouvelle génération, née aux environs de 1840, celle des trois frères Maris, d’Anton Mauve, de Neuhuys constitue, parallèlement à notre « école de Barbizon, » ce qu’on appelle en Hollande l’école de La Haye.

Toute une moitié de l’exposition est consacrée à cette école, fort célèbre en Hollande et aux États-Unis, un peu trop ignorée en France. Elle aura, pour beaucoup de visiteurs, l’attrait de l’inédit. Combien d’étrangers vont à La Haye sans se donner la peine de monter l’escalier du musée Mesdag, ne fût-ce que pour y admirer une installation qui est en elle-même un modèle, et pour y voir la plus belle collection qui existe en Europe de nos maîtres de 1830, en particulier de Millet, de Rousseau et de Daubigny ? Il faut donc savoir gré aux organisateurs qui nous donnent l’occasion de connaître une des plus intéressantes parmi les écoles contemporaines. Sans doute, il ne viendra à l’esprit de personne d’égaler ces peintres modernes, même aux plus humbles de leurs anciens. Sans compter qu’il n’y avait nulle part dans cette équipe une autorité à la taille de Hals ou de Rembrandt, quelque chose s’était perdu dans le passage dangereux du monde d’autrefois à celui d’aujourd’hui, — quelque chose d’essentiel, dont l’absence se fait cruellement sentir à toutes les nouvelles écoles, je veux dire l’apprentissage et l’éducation pittoresques.

Là est, par tout pays, le malheur commun de l’art moderne. Mais cette lacune n’empêche pas l’école de La Haye d’être distinctement quelque chose d’original, qui a le mérite de ne pas se confondre avec le goût de Paris, et qui relève authentiquement d’une tradition. L’art et le langage « intimes, » la poésie domestique, qui ont toujours tant de peine à s’acclimater chez nous et ne le font jamais pour longtemps, — dans cette France de Chardin et de Fantin-Latour, qui a le travers de rougir, quand on l’appelle bourgeoise, — cet art est, aujourd’hui, comme hier, l’art naturel à la Hollande. Les Intérieurs de Bosboom, surtout ses dessins, ses sépias, ses vues de cathédrales et de vieux escaliers, sont pleins d’une nostalgie touchante et de l’âme émue des vieilles choses. Le tableau d’Israëls, Seule au monde, a produit à son heure une sensation profonde ; comparé aux chefs-d’œuvre de Terborch et de Steen, il est évident que le ton est devenu sentimental ; mais s’il y a ici peut-être quelque « littérature, » on ne peut nier qu’elle s’exprime avec infiniment de tact ; on ne voit pas d’ailleurs pourquoi ce sujet du deuil et de la mort serait interdit à l’art, plus qu’un Calvaire ou une Pietà. La