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libre a redouté une mise en tutelle, et une association se transformant en sujétion. L’enseignement d’Etat s’est vu menacé d’une sorte de « désétablissement, » et d’une diminution en dignité. Appartient-il à l’État d’ailleurs de se démettre d’une de ses tâches essentielles ? Si bien que le projet n’a réussi à faire l’entente d’enseignements rivaux que dans la commune défiance qu’il leur inspire.

Loin de nous la pensée d’essayer de le ressusciter. Mais il y a de bonnes idées fausses ; il y a des erreurs fécondes qui étaient des vérités mal venues et n’ayant pas trouvé leur forme définitive. Il est certain qu’il serait heureux que les cadres de notre enseignement public fussent moins rigides et moins administratifs. Voyez ce que le peu de liberté introduit par la loi de 1896 a permis aux universités d’initiatives utiles, quelques-unes même inespérées. Les autres ordres d’enseignement ne pourraient-ils bénéficier de quelque régime analogue, qui déchargerait le service central de responsabilités qui l’encombrent, qui permettrait de faire des expériences, sans faire jouer pour chacune d’elles le mécanisme entier ? Et pourquoi jusqu’ici, chaque fois qu’on parle de décentraliser, — c’est comme quand on parle de simplifier les programmes, — aboutit-on à faire le contraire ?

Il est certain aussi que l’esprit corporatif, qui ne troubla pas les générations antérieures, mais qui est dans l’air que respirent les plus jeunes d’entre nous, souffla puissamment sur les « compagnons » , et, par un juste retour, détermina autour d’eux un courant de sympathie. Et leur esprit corporatif n’apparaît pas entaché de ce souci, si légitime d’ailleurs, d’intérêts matériels que la force des choses imposa aux « amicales, » mais qui les amena à ressembler à des formations de combat, ressemblance dont elles auront quelque peine à se défaire. Si bien que ceux qui ont une autre conception de l’union éprouvent aujourd’hui le besoin de quelque autre chose. C’est de cet « autre chose « que les « compagnons » ont donné une esquisse, si imparfaite qu’elle soit.

Enfin ils ont traité d’égal à égal et fraternellement l’enseignement libre. Sur ce point aussi on éprouvait le besoin d’autre chose que ce à quoi on était habitué depuis quelques années. On avait assez longtemps vécu comme si on était en guerre entre Français. Les mots d’adversaires, d’ennemis, étaient d’usage courant, s’adressant à des hommes de même métier.