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vivantes, — et nous pourrions parler d’autres disciplines, — savent qu’on ne peut se passer du temps. Pour avoir voulu appliquer la méthode révolutionnaire à l’éducation, la Révolution française elle-même a fait échouer des idées justes. Il a fallu un siècle pour qu’on se dise que, réflexion faite, tout n’était pas absurde dans la conception des écoles centrales.

Il faut ajouter qu’il y a de l’injustice et de l’ingratitude dans cette idée d’une réforme totale. Veut-on soutenir vraiment que tout est à reprendre dans ce qui existe ? L’Université est bonne personne ; elle aime la critique, loin de la redouter, et fait elle-même un succès à ses détracteurs. Tout de même l’Université de 1914 doit à ceux de ses enfants qui sont morts, et à ceux qui avaient formé cette génération du sacrifice, de dire : Voilà mon œuvre après tout ; qu’on juge l’arbre à ses fruits. Il est plus juste d’avancer, comme on l’a fait, que le maître d’école français a pris sa revanche sur le maître d’école allemand. Notre système d’éducation a produit, quoi qu’aient imprimé, je n’ose dire pensé, les « compagnons, » du côté des élèves, mieux que des « enfants sages » fabriqués « en série, » du côté des maîtres, mieux que des « fakirs. »

La grande ouvrière de ces profondes transformations rêvées devait être la corporation universitaire. Cette corporation devait être elle-même une hiérarchie de corporations. La cellule corporative se serait constituée dans chaque chef-lieu d’arrondissement où elle aurait déjà rapproché et groupé les maîtres du collège et de l’école. L’organisme aurait été complet dans une ville de faculté. Point de dogme a priori imposé, et qui apporte, comme du dehors, une unité factice. Mais, au lieu de ce lien unique d’aujourd’hui, « le râtelier auquel on est attaché, » l’impression, sans cesse renouvelée par la vie corporative, de la communauté de fonctions et d’aspirations. L’enseignement libre est lui-même intégré dans la corporation universitaire. Quelle place exacte lui est faite ? Ne demandons pas trop de précisions. Ne cherchons pas davantage à préciser les relations de la corporation ou des corporations universitaires avec l’Etat. L’Etat leur déléguerait la fonction d’enseignement, comme il délègue aux compagnies de chemins de fer la fonction de locomotion. Cette comparaison, que d’autres auraient redoutée, laisse bien des questions en suspens. De plus, ce programme quelque peu apocalyptique, comme on l’a qualifié, a inquiété. L’enseignement