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sans être un remède ; la séparation, tous les jours plus grande, des trois ordres d’enseignement et, à plus forte raison, de ces trois ordres et de ce qu’on appelle le quatrième ordre, l’enseignement professionnel ; l’internat, l’ « affreux internat, » qu’il est plus facile d’ailleurs de critiquer que de remplacer ; l’élite de toute la jeunesse de France drainée par les classes préparatoires aux grandes écoles. « Malheur au jeune esprit qui s’est distingué dans un lycée de province ! » Il est voué au Minotaure. Il arrive qu’on se grise des coups que l’on porte, et que le souci de taper fort prime celui de taper juste. Les « compagnons » s’en prennent ainsi même aux institutions les mieux acceptées et les plus respectées, telles que l’agrégation, et l’inspection générale dont le contrôle est désiré et les directions sollicitées par les meilleurs maîtres.

Mais on s’attarderait trop à défendre tout ce qui est attaqué par ces fougueux articles parus dans l’Opinion, et qui se sont assagis d’ailleurs en devenant des livres. Nous avons hâte d’arriver, après la pars destruens, à la pars exstruens, d’ordinaire plus embarrassée. Mais les « compagnons » ne connaissent pas cet embarras. Ils voient grand. Du moins ils ont vu grand ; car ils ont déjà leur histoire des variations. En ouvrant leurs rangs, ils ont laissé entrer chez eux l’esprit de compromis. Toutes les églises ont subi cette crise. Les adhésions qui s’offraient et aussi celles qui se refusaient ont orienté la doctrine. Les classiques boudaient, les professeurs de langues vivantes montraient plus d’enthousiasme. De là une déviation de la doctrine, et une tendance à faire une place aux humanités nouvelles entre l’enseignement classique et l’enseignement professionnel. Rapprochement qui ne manque pas d’intérêt : l’histoire de l’enseignement spécial devenant l’enseignement moderne a été l’histoire d’un aiguillage analogue. — Même quand certaines revendications semblent subsister, le rang qui leur est donné n’est plus le même, et toute la perspective de la doctrine s’en trouve changée. C’est ainsi que l’idée d’une corporation universitaire semblait être l’évangile nouveau, et dominer tout le plan de réformes. Elle est reléguée maintenant et se fait plus humble. Et c’est l’idée d’école unique qui a usurpé sa place. Si vous demandez à un « compagnon » à quoi tout ce mouvement provoqué aboutira, et ce qu’il entrevoit de pratiquement réalisable, il répond : l’école unique.