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Ses études sur les institutions politiques et sociales de la Russie révèlent en lui une large culture, un esprit ouvert et droit, une pensée libre, synthétique et façonnée à la discipline du positivisme anglais. Dans son parti, on le croit réservé à un grand rôle pour le jour où l’autocratisme se convertirait en monarchie constitutionnelle. J’imagine que ce serait uniquement un rôle d’influence et de doctrine. Comme tous les coryphées du libéralisme russe, Maxime Kovalewsky est trop spéculatif, trop théoricien, trop livresque, pour être homme d’action. La compréhension des idées générales et la connaissance des systèmes politiques ne suffisent pas au gouvernement des affaires humaines : il y faut encore le sens du réel, l’intuition du possible et du nécessaire, la promptitude dans la décision, la fermeté dans le dessein, l’intelligence des passions publiques, l’audace réfléchie, — toutes qualités dont les « cadets, » malgré leur patriotisme et leur bonne volonté, me semblent dépourvus.

En terminant, je supplie Kovalewsky de prodiguer autour de lui, sans se lasser, les conseils de patience et de sagesse. Je le prie enfin de méditer l’aveu que soupirait mélancoliquement, durant les journées de juin 1848, un des chefs de l’ancienne « opposition monarchique, » un des organisateurs de la fameuse campagne des banquets, Duvergier de Hauranne : « Si nous avions su combien les parois du volcan étaient minces, nous n’aurions pas provoqué l’éruption ! »



Jeudi, 16 septembre.

La prorogation de la Douma est publiée.

Aussitôt, les usines de Poutilow et des Chantiers baltiques se mettent en grève.



Vendredi, 17 septembre.

Les grèves s’étendent aujourd’hui à presque toutes les usines de Pétrograd. Mais on ne signale aucun désordre. Les meneurs affirment qu’ils veulent simplement protester contre le renvoi de la Douma et que le travail reprendra dans deux jours.

Un de mes informateurs, qui connaît bien les milieux ouvriers, me dit :

— Rien à craindre, cette fois encore. Ce n’est qu’une répétition générale.