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un candidat à la Classe des Sciences physiques et mathématiques un bagage assez mince, et il ne paraît pas que ce bagage se fût augmenté pour Bonaparte par des travaux personnels de mécanique ou d’analyse. Mais qui aurait songé à demander des titres professionnels à un général de vingt-huit ans, qui, depuis une vingtaine de mois, accomplissait presque chaque jour un miracle ? Son dernier miracle, c’était le traité de Campo-Formio, qui venait de consacrer la possession par la France de la rive gauche du Rhin. La rive gauche du Rhin, cela méritait bien un siège à l’Institut national des Sciences et des Arts.

Monge était de retour à Paris dans les derniers jours du mois d’octobre ; il ne manqua pas de mettre ses confrères de la 1re Classe au courant du projet dont il s’était entretenu à Passariano avec le général. Il dut en surprendre et en intéresser plus d’un, en rapportant que le désir de devenir leur confrère était la pensée avouée du jeune et glorieux vainqueur. Des généraux, ses frères d’armes, lui avaient demandé quel aliment il pensait donner à l’activité de son âme, lorsque la paix l’aurait rendu à ses foyers ; et le soldat d’Arcole avait répondu : « Je m’enfoncerai dans ma retraite et j’y travaillerai à mériter un jour d’être de l’Institut. » Au cours de la campagne d’Italie, il n’avait cessé de montrer l’intérêt le plus éclairé pour les progrès des lumières et des arts. Il avait toujours accueilli, avec une prédilection toute particulière, savants et gens de lettres ; dès que l’un d’eux se présentait chez lui, sa porte lui était ouverte. Il eût été difficile de souhaiter chez un candidat un état d’âme plus académique.


Le règlement de l’Institut national avait établi pour le remplacement d’un membre la procédure qui suit.

La Section dans laquelle une place était vacante présentait une liste contenant cinq noms au moins. Le règlement n’avait prévu que le nombre minimum des candidats à inscrire ; la Section avait par suite la facilité de porter sur la liste autant de candidats qu’il lui plaisait.

La liste ainsi formée était présentée à la Classe. Les deux tiers des membres de la Classe étant présents, chacun d’eux écrivait sur un billet les noms des candidats portés sur la liste, en les classant d’après l’ordre de mérite qu’il leur attribuait.