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contraire, établi, à cette date, devant la Commission, entre experts allemands et experts français, grâce à l’esprit de conciliation de ces derniers. Mais la question est secondaire et M. Pierrepont B. Noyes commet des méprises plus étranges et moins excusables, lorsqu’il écrit des phrases comme celles-ci : « Tous les esprits cyniques, pessimistes ou franchement militaristes de l’Europe se réjouissent avec les Français de l’inauguration victorieuse de la politique de Millerand… Une France ruinée par la guerre s’arroge, avec l’aide de la petite Belgique, de l’Italie miséreuse et d’une Pologne abusée, la domination militaire de l’Europe… Depuis que l’Amérique a déserté, la politique française est empoisonnée par le rêve de fomenter au sein des divers États allemands des mouvements séparatistes, d’établir sur le Rhin la frontière orientale de la France, d’installer sur la frontière orientale de l’Allemagne une Pologne militariste, de procéder à de nouvelles invasions de l’Allemagne. » Rien que cela. Voilà comment M. Pierrepont B. Noyes, après avoir surtout séjourné en Allemagne, a vu la France ; et voici comment il a vu l’Italie : « L’Italie a échangé le libéralisme du premier ministre Nitti contre le nationalisme sordide d’un Giolitti. »

On s’explique que l’Allemagne, se connaissant des complaisances de ce genre dans quelques milieux américains, se soit fait l’illusion de circonvenir le Gouvernement des États-Unis lui-même. Les déclarations précédentes du président Harding et de M. Hughes ne lui permettaient pas, sans doute, de penser qu’elle aurait complètement gain de cause à Washington. Tous deux avaient dit qu’elle devait réparer aussi largement que possible, to make reparation as far as possible. Mais la formule était assez élastique pour que l’Allemagne se flattât de tirer dessus sans rien briser. L’essentiel n’était-il pas de gagner du temps et d’amuser le tapis ? M. Simons a donc saisi les États-Unis, avec la collaboration d’un publiciste germano-américain, M. Karl von Wiegand, d’une des demandes les plus ambiguës qui fussent jamais sorties d’une chancellerie. Le Vatican, pressenti, ayant refusé d’intervenir à Washington, le Gouvernement du Reich est allé frapper directement à la porte de la Maison-Blanche. L’Allemagne priait « respectueusement » le président Harding « de servir de médiateur dans la question des réparations et de fixer la somme à payer par l’Allemagne aux Puissances alliées ; » et elle ajoutait qu’elle était prête « à accepter, sans condition ni réserve, de payer aux Puissances alliées telle somme que le Président, après examen et enquête, considérerait comme juste et équitable. » Cette démarche insolite était,